C’est une heureuse initiative que de rééditer ce best-seller de la littérature spirituelle jésuite. Né en 1731, helléniste distingué, controversiste de talent, l’auteur traversa la suppression de la Compagnie de Jésus (1763) en France d’abord, puis en Angleterre où il mourut en 1803. Vers 1769, la rencontre de Mère Pélagie, visitandine de la rue du Bac, avait été l’occasion d’une véritable conversion spirituelle : découverte d’une spiritualité de l’abandon, sous le signe de l’esprit d’enfance et de la simplicité. Il ne suffit pas de faire la guerre à « l’amour propre » (recherche de soi). Il s’agit d’habiter le moment présent et de laisser faire Dieu. En somme, saint François de Sales revisité par Surin, Fénelon et Caussade.
Cette doctrine, Grou ne cessa de la monnayer auprès des communautés religieuses dont il fut l’aumônier et des laïcs qu’il dirigea, en Angleterre notamment. Les traités qu’il publia de son vivant connurent un immense succès. Les Caractères de la vraie dévotion, par exemple, parus en 1788, connurent 70 éditions jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cet appel à la foi pure, à faire confiance à la Providence – alors même que l’action de Dieu se faisait de moins en moins déchiffrable dans le cours de l’histoire –, rencontrait apparemment les attentes du peuple chrétien, ainsi qu’il en alla pour l’Abandon à la Providence divine du pseudo-Caussade (écrit vers 1740 et publié en 1861).
Le présent ouvrage regroupe 63 brèves conférences, dans une langue limpide, sur les thèmes spirituels les plus divers. L’ensemble fut publié pour la première fois en 1847 et incessamment réédité jusqu’en 1947. Pour les jésuites du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, les écrits de Grou furent, presque au même titre que la Doctrine spirituelle de Lallemant, les ouvrages de référence de la spiritualité ignatienne.
Le texte retenu est, heureusement, celui de l’édition Cadrès de 1863. Il faut saluer la présentation matérielle, particulièrement soignée, de la collection dans laquelle il paraît.

        Dominique Salin