Les naissances humaines ont besoin d’un accoucheur… Qu’en est-il dans la vie spirituelle qui, en christianisme comme dans tant d’autres aires religieuses, recourt à l’aide d’un frère, parfois nommé « père » ? Il n’est possible de percevoir l’originalité de sa médiation qu’après nous être interrogés sur la « naissance » dont il s’agit dans la vie spirituelle et la manière dont elle peut advenir.

Il nous faut naître d’en haut


L’expérience spirituelle est naissance

Nouveauté, surgissement, ouverture à la vie, mise au monde, à travers douleurs et joies : ces notes de toute naissance humaine ne sont pas étrangères à l’expérience spirituelle. La fin d’une retraite donne, le plus souvent, de se sentir régénéré, comme au seuil d’une nouvelle étape ; celui qui s’apprête à retrouver son cadre de vie, ses relations et ses activités les aborde à neuf : en un sens, rien n’a changé, mais désormais tout est différent. Le renouvellement intérieur, qui marque le regard sur les choses et les êtres, fait entrer dans un monde nouveau. C’est l’expérience décisive que rapporte par exemple Thomas Merton, au sortir de l’église où Dieu l’a touché : « Je me promenais sans me presser dans Broadway ensoleillé, et mes regards se posaient sur un monde nouveau. Je ne comprenais pas ce qui me rendait si heureux, si paisible, si content de la vie. […]

Lorsque la naissance est spirituelle

Tout ce que je sais, c’est que j’entrais dans un monde nouveau » 1. À échelle plus quotidienne, lorsqu’une parole de l’Écriture devient soudain vivante et vivifiante, lorsque Dieu frappe discrètement à notre porte à travers un regard, un échange, un événement, cela a toujours un goût de neuf. En leur diversité, les passages de Dieu dans nos vies sont naissance et mise au monde, comme pour Nicodème. Quelqu’un, après avoir vécu hors de toute foi chrétienne ou dans un christianisme atrophié, voit s’ouvrir en lui un espace insoupçonné d’écoute, tout comme Ignace lors de sa première expérience des motions intérieures à Loyola. Ou bien la naissance spirituelle prend la forme d’une libération, qui délie du fardeau