Parce qu'il comporte essentiellement des récits, l'Ancien Testament est propre à refléter la complexité inhérente à la condition humaine dans l'histoire. Le mode narratif permet, en effet, d'explorer les sentiers sinueux de la liberté humaine : les récits bibliques racontent des vies en évolution, des existences empêtrées dans toutes sortes de complications mais en chemin aussi avec les autres et éventuellement avec Dieu. Paul Beauchamp allait jusqu'à dire que c'est le manque qui « est la substance du récit1 », le point de départ de toute intrigue. Bernard Sesboüé ajoutait : « Il y a récit non seulement parce qu'il y a manque, mais aussi parce qu'il y a manquement. En termes théologiques, nous dirons que le besoin du récit n'est pas seulement le fait de notre finitude, mais aussi de notre péché2. »

S'il y a récit parce qu'il y a manque et manquement en l'humain et que cela est constitutif du continuum narratif de la Bible, on ne s'étonnera pas d'y rencontrer la fragilité et la faillibilité de l'humain tout autant que sa grandeur, sa capacité au dépassement de soi, voire son aptitude à pardonner. Les récits ne manquent pas qui relatent des conflits entre peuples ou individus, des alliances bafouées, des violences exercées ou subies… Les récits des origines tissent notamment un fil narratif qui touche à la fraternité, souvent malmenée et blessée, parfois définitivement détruite et qu'il faut bien souvent restaurer ou réinventer. Introduit par l'histoire de Caïn et d'Abel, qui est celle d'un échec avertissant d'emblée que la fraternité ne va pas de soi, ce fil narratif est déroulé tout au long du livre de la Genèse avec Abraham et Lot,