En écho à notre numéro intitulé « Enquête sur la vie religieuse » (n° 210, avril 2006), qui partait des interrogations des laïcs sur la vie et la vocation des consacrés, nous avons demandé à Marc Leboucher — observateur reconnu des évolutions du christianisme — de nous dire en quoi les voeux religieux (pauvreté, chasteté, obéissance) sont pour lui, laïc, signes de contradiction.
Si la vie religieuse attire parfois le respect voire la sympathie, même dans des milieux qui lui sont a priori étrangers, si certaines figures de consacrés apparaissent encore très populaires comme Soeur Emmanuelle ou Mère Teresa, n’est-ce pas d’abord dû à leur combat pour la charité, à leur engagement humanitaire ? Peu ou prou, confusément peut-être, nos contemporains adhèrent à leur sens de la justice et à sa dimension prophétique, voire provocatrice. Ils peuvent percevoir chez elles une forme de générosité altruiste ou humaniste. Mais plus difficile est d’admettre à leurs yeux que ces grandes figures ont choisi de prononcer un jour des voeux pour incarner ce don d’elles-mêmes. N’est-il pas révélateur que ce soit justement sur la question de la chasteté que l’on a construit voici un an le succès d’un des derniers best-sellers de l’Abbé Pierre ? Charitable, passe encore, mais chaste, quelle idée au troisième millénaire !
Il y a donc quelque anachronisme à vouloir parler des voeux en termes plus positifs. Comment comprendre la renonciation à la possession des biens dans une société libérale où ce droit de propriété apparaît comme un signe de reconnaissance de l’individu ?
Comment parler de chasteté, alors qu’une vie sexuelle épanouie suppose de goûter à toutes les expériences affectives possibles ? Que dire enfin de l’obéissance, qui apparaît comme une sorte d’infantilisme pour la conscience d’un individu moderne, vacciné depuis des lustres contre tous les obscurantismes et jaloux plus que tout autre de son autonomie ? Et puis, s’il faut pousser plus loin le paradoxe, comment ne pas se gausser de ce voeu de stabilité propre au monachisme, qui conduit à choisir un lieu particulier pour y rester toute une existence ? Stabilité, à l’heure où nous n’avons que le mot de mobilité à la bouche, tant dans la vie professionnelle que dans la vie amoureuse ? N’est-ce pas choisir le statut figé du fossile ? Difficile donc d’être aveugle au fait que les voeux jurent à bien des égards avec les mentalités dominantes et jouent sans doute plus que jamais le rôle
Si la vie religieuse attire parfois le respect voire la sympathie, même dans des milieux qui lui sont a priori étrangers, si certaines figures de consacrés apparaissent encore très populaires comme Soeur Emmanuelle ou Mère Teresa, n’est-ce pas d’abord dû à leur combat pour la charité, à leur engagement humanitaire ? Peu ou prou, confusément peut-être, nos contemporains adhèrent à leur sens de la justice et à sa dimension prophétique, voire provocatrice. Ils peuvent percevoir chez elles une forme de générosité altruiste ou humaniste. Mais plus difficile est d’admettre à leurs yeux que ces grandes figures ont choisi de prononcer un jour des voeux pour incarner ce don d’elles-mêmes. N’est-il pas révélateur que ce soit justement sur la question de la chasteté que l’on a construit voici un an le succès d’un des derniers best-sellers de l’Abbé Pierre ? Charitable, passe encore, mais chaste, quelle idée au troisième millénaire !
Il y a donc quelque anachronisme à vouloir parler des voeux en termes plus positifs. Comment comprendre la renonciation à la possession des biens dans une société libérale où ce droit de propriété apparaît comme un signe de reconnaissance de l’individu ?
Comment parler de chasteté, alors qu’une vie sexuelle épanouie suppose de goûter à toutes les expériences affectives possibles ? Que dire enfin de l’obéissance, qui apparaît comme une sorte d’infantilisme pour la conscience d’un individu moderne, vacciné depuis des lustres contre tous les obscurantismes et jaloux plus que tout autre de son autonomie ? Et puis, s’il faut pousser plus loin le paradoxe, comment ne pas se gausser de ce voeu de stabilité propre au monachisme, qui conduit à choisir un lieu particulier pour y rester toute une existence ? Stabilité, à l’heure où nous n’avons que le mot de mobilité à la bouche, tant dans la vie professionnelle que dans la vie amoureuse ? N’est-ce pas choisir le statut figé du fossile ? Difficile donc d’être aveugle au fait que les voeux jurent à bien des égards avec les mentalités dominantes et jouent sans doute plus que jamais le rôle