[…] Comme tout le monde, le chrétien se heurte à la violence. […] Ses responsabilités familiales, son travail professionnel, sa situation sociale ou ses devoirs politiques l'obligent à des choix et font de lui l'auteur, le complice ou la victime de conflits. N'est-ce pas la loi de toute sa vie « profane » ?

Par rapport à ces tensions, que devient la paix que l'Église lui enseigne ? […] Là même où il est le plus engagé, cessera-t-il d'être chrétien ? Non, sur toute la région de son expérience, il doit « déclarer la paix »1 – une paix qui est donnée, mais qui n'est jamais faite.

Les quelques réflexions qui suivent ne visent pas à déterminer jusqu'où et comment le chrétien doit s'engager dans les conflits, mais simplement à souligner qu'ils ont une signification religieuse. […] Les divergences peuvent nous amener à reconnaître les autres et nous ouvrir par là un chemin, humble mais réel, vers la réconciliation inaugurée en Jésus Christ. Tacite rencontre du Seigneur, cette reconnaissance nous conduit à trouver plus honnêtement la paix dont nous avons l'audace de faire profession devant des hommes qui la cherchent comme nous, au milieu des tensions et des craintes auxquelles nous participons comme eux.

La loi du conflit

Une certaine « sagesse » nous trompe sur la paix lorsque, pour sauvegarder les apparences de l'entente, elle nous cache la réalité des tensions ou cultive l'indifférence comme la condition de la tranquillité. Elle n'est plus, dès lors, qu'une discipline intérieure ou une tactique du compromis, un sédatif contre la peur subjective ou un comportement destiné à éviter une prise de position dans les affrontements qui assurent la vitalité du corps social. Dans le premier cas, c'est un calmant ; dans le second, un abstentionnisme. Le chrétien ne trouvera pas plus satisfaisants, quoique peut-être plus lucides et plus réalistes, le scepticisme de celui qui estime à peu près équivalentes la somme des querelles et celle des ententes et qui croit justifiée par cet équilibre approximatif la règle générale d'un « Laissez faire la nature : il en a toujours été ainsi » – ou le conformisme de celui qui s'engage ou s'abstient, comme l'amibe avance ou rétracte ses pseudopodes, d'après les connivences ou les résistances qu'il rencontre. Ces formes variées d'un même détachement impliquent toutes un refus d'être mis en cause et une égale indifférence pour ce