Le Castor astral, 2007, 87 p., 10 euros.

Dès les premières pages, on est initié au « mystère de l’homme éveillé, tout entier au bout de ses yeux ». L’attention du poète prend dans son réseau transparent les moindres signes d’un monde matinal, « plein d’air et de bleu comme un premier souffle », la lumière « aux mailles des branchages, milliers de poissons d’or ». Cependant, il s’agit d’une liaison souple et ténue entre les êtres plutôt que d’une capture ; l’image du filet est moins présente que celle du fil, de clarté, de silence, qui passe par le chas d’une aiguille ou sur lequel on marche. Ce fil relie notre corps au monde, mais aussi le visible à l’invisible, le temps à ce qui est au-delà de son déroulement : « La terre, pulpe bleue autour de son noyau. Tout au bout des âges, elle aussi quittera la branche pour s’ouvrir à une autre vie. » Le jour qui éclaire chaque nervure, chaque brindille, vient d’une faille qui a tout à coup élargi le monde longtemps clos du poète, et cette déchirure se propage « entre l’épaule et le manteau qui tombe ».
Philippe Mac Leod, depuis ce moment, pose avec sûreté ses pas sur un fil tendu entre un enracinement et un appel ; entre l’attachement à cette terre qui le nourrit de la sève des sensations et le détachement qui permet à l’esprit d’en prendre la juste mesure dans un espace plus ouvert. Aussi le poète se compare-t-il (ce sont ses derniers mots) à un « petit arbre trapu accroché à la falaise ». Tension sans raideur, docile au mouvement de l’éclosion, de la naissance, qui porte chaque poème. Si on privilégiait une saison et une heure dans ce recueil qui les contient toutes, ce serait un matin d’automne en montagne, quand la terre brûle « ses vieilles couleurs » pour se livrer à une « attente éblouie ». Le oui au monde y est enveloppé dans un oui à Dieu qui le justifie et le dépasse. Être attentif au monde, c’est d’ailleurs entendre le nom qu’il a au bout des lèvres sans pouvoir le prononcer ; et la parole poétique reste comme lui suspendue entre nomination et silence : « Nul ne peut dire Dieu. Mais rien, jamais, ne saura le taire. »
La lumière qui glisse sur les doigts du poète fait songer à la bague de cette fiancée dont parle saint Augustin : la fiancée est légitimement heureuse de regarder sa bague, dont l’éclat n’offusque pas mais ravive en elle le souvenir de celui qui la lui a donnée. Tel est le « pacte de lumière » dont nous entretient Philippe Mac Leod, promesse déjà tenue d’un « jour toujours plus haut ».
Signalons aussi la parution, chez Ad Solem, d’un recueil de méditations quotidiennes au fil des chemins pyrénéens, L’infini en toute vie (100 p., 12 euros), où le poète nous apprend à faire descendre en nous le murmure des hauteurs.