« Dans la rue, pressés dans la foule, nous établissons nos âmes, comme autant de creux de silence où la parole de Dieu peut se reposer et retentir. » Madeleine Delbrêl

Lorsque Madeleine Delbrêl écrit cette phrase, en janvier 1938, elle habite à Ivry-sur-Seine depuis un peu plus de quatre ans. Elle est en mission au sein de cette ville qu'elle commence à bien connaître. Elle est diplômée comme assistante sociale depuis 1936. Comment en est-elle venue là ? Fille unique et jeune convertie, le 29 mars 1924, et alors assez solitaire, elle se dirige vers la paroisse de son quartier où elle découvre la liturgie (ou redécouvre, elle avait été catéchisée enfant et ensuite avait tout abandonné en déclarant que « Dieu est mort, vive la mort »). Elle s'engage dans le scoutisme en décembre 1926, sous la houlette de l'abbé Jacques Lorenzo. Celui-ci était un précurseur : il avait l'audace de mettre directement les jeunes en contact avec la parole de Dieu. Parmi celles qu'il rassemble, quelques jeunes filles veulent aller plus loin. Madeleine partira avec deux compagnes, Hélène et Suzanne. Elles s'établiront à Ivry-sur-Seine, le 15 octobre 1933. Elles s'y rendent en tramway puis en autobus !

Une vie de contradiction

Je voudrais maintenant répondre à la question suivante : quelle spiritualité moderne Madeleine Delbrêl nous propose-t-elle ? Je lui trouve un côté inclassable et aux antipodes du « vite pensé, vite dit ». Elle est contemporaine mais déjà un peu éloignée dans le temps. Une spiritualité toute faite, cela n'existe pas ! Madeleine est plutôt un « déploiement de la sainteté », comme en témoigne le cardinal Charles Journet1 à propos de Nous autres, gens des rues (Seuil, 1966). Pour cet article, je vais m'appuyer tout d'abord sur le dernier