En fait, l'ouvrage a pour origine une lecture au long cours du Cantique, pratiquée sur plusieurs décennies, et d'abord sans autre projet que de savourer un texte qui offre ses mots à l'expérience de Dieu dont se trame la vie de son lecteur. À vrai dire, un lecteur de choix, tout entier engagé dans l'interprétation, avec ses curiosités d'exégète, avec sa vaste mémoire littéraire, philosophique et spirituelle, chrétienne mais aussi juive. Évidemment aussi avec la passion ardente d'une vie monastique saisie par le désir de Celui qui se découvre lui-même en désir de l'Humanité et d'alliance amoureuse avec chaque croyant. L'écoute du texte s'apparente ici, confie l'auteur, à celle des Psaumes, dans la prière de nuit, ou à la lectio divina ouvrant la journée dans la nouveauté du petit matin. Le Cantique est lu pas à pas, éprouvé dans ses lumières comme dans ses passages plus énigmatiques, que l'auteur sait rendre plus d'une fois lumineusement parlants. Celui-ci ne marginalise pas la grande tradition de lecture allégorique qui a interprété typologiquement le « Chant de Salomon ». Mais, avec pleine liberté, Benoît Standaert habite le Cantique en lecteur d'un texte qu'il augmente à chaque verset des modulations qu'introduisent ses diverses traductions, mais aussi les multiples références qui irradient depuis sa mémoire personnelle : du Phèdre de Platon aux Pères du désert, de la Règle de saint Benoît aux poètes flamands, ou encore de la mystique musulmane jusqu'à John Henry Newman. C'est ainsi qu'en ces pages, le Cantique des cantiques se découvre à neuf dans sa puissance de récapitulation, sous la dynamique du désir, dont le titre du livre balbutie en quelque sorte le bouleversant secret.