« Le démon de mon cœur s'appelle : À quoi bon ? » Sous la plume de Bernanos, au moment où il entame Les grands cimetières sous la lune (Plon, 1938), terrible réquisitoire contre la répression franquiste et l'agenouillement de l'épiscopat espagnol, l'aveu surprend. Tenté par le découragement, lui, l'indomptable, qui aura mené tant de combats contre la bêtise et la veulerie humaines ? Les familiers de son œuvre savent jusqu'où a pu aller, chez lui, la tentation de rendre les armes devant les difficultés du métier d'écrivain et d'abord du métier d'homme.

Son exemple – sa foi – nous encourage. Sans avoir peut-être frôlé les mêmes abîmes que lui, nous connaissons trop bien l'affreuse tristesse qui peut nous étreindre au spectacle de nos défaites. Grands ou petits combats, nos luttes contre nous-mêmes ou contre l'entêtement de la réalité peuvent se conclure par un : « Je n'y arriverai jamais ! », ou : « Ce n'est même pas la peine d'essayer », ou : « Après tout, qu'ils se débrouillent sans moi ! », qui, à la longue, enfoncent dans le désespoir.

Bernanos aurait beaucoup à nous apprendre. Mais ce n'est pas à lui que nous demanderons ici des leçons de vie. Sa stature pourrait nous intimider. La littérature spirituelle chrétienne, en revanche, nous met en confiance. Elle abonde en récits d'expérience et en conseils de sagesse propres à nous remettre en selle.

Découragement et désespoir

Forme banale de réaction devant des échecs, le découragement peut conduire au désespoir, mais il n'est pas le désespoir. Le désespoir, la désespérance, c'est la terrible nuit où se voit enfermé celui qui ne peut plus croire à rien, sauf au néant de tout. Ruine de la deuxième vertu théologale, qui rend impossible le moindre acte de foi ou de charité. Il ne reste plus qu'à tirer le rideau sur la mauvaise farce de l'existence. À l'époque moderne, des romanciers comme Fiodor Dostoïevski ou Albert Camus ont suggéré la dimension métaphysique du désespoir1. Bernanos a souligné sa dimension spirituelle. Le héros de Sous le soleil de Satan (Plon, 1926), l'abbé Donissan, connaît – c'est le titre de la première partie du roman – « la tentation du désespoir ».

C'est que les