Guillaume est né dans la région liégeoise (apud Leodium) vers 1075. Il fit ses études d'abord à Liège (que l'on appelait « l'Athènes du Nord »), puis à l'école cathédrale de Reims. On ne sait pas à quel âge il a quitté sa ville natale. Mais on peut conjecturer que la cause de cette émigration fut la querelle de l'investiture. En 1091, l'empereur Henri IV nomma un certain Otbert évêque de Liège. Cette nomination s'étant faite sans l'accord du pape, les bénédictins de l'abbaye de Saint-Laurent se sont, de longues années durant, opposés à cet évêque impérial.
Quoi qu'il en soit, Guillaume a passé sa vie adulte en Champagne. Après 1100, il devint bénédictin à l'abbaye de Saint-Nicaise où il poursuivit ses recherches patristiques. Vers 1118, il rencontra pour la première fois Bernard, le jeune abbé de Clairvaux. Depuis cette rencontre, Guillaume s'intéressa beaucoup au renouveau monastique de Cîteaux. En 1121, il fut élu abbé de Saint-Thierry, abbaye bénédictine qui se trouve à sept kilomètres au nord de Reims, sur la route de Laon. Son abbatiat dura jusqu'en 1135. Après avoir déposé sa crosse abbatiale, il devint simple moine cistercien à Signy, où il mourut en 1148. Guillaume resta un observateur fidèle de la règle de saint Benoît. Mais il vécut cette règle dans des conditions assez différentes.

LA LETTRE AUX CHARTREUX DE MONT-DIEU


Guillaume nous a laissé quinze traités de théologie ou de spiritualité. La Lettre aux frères du Mont-Dieu (que nous appellerons d'après Mabillon Lettre d'or) est son avant-dernier écrit. Longtemps attribué à saint Bernard, cet ouvrage, jusqu'au XVIIe siècle environ, a été la principale référence de l'idéal monastique. Il fait l'objet, depuis cinquante ans, d'un net regain d'intérêt.
Comment Guillaume s'est-il intéressé aux chartreux ? Sans doute à l'occasion d'une visite qu'il a faite à la nouvelle chartreuse du Mont-Dieu. Cette chartreuse avait été fondée en 1136 par Odon, abbé de Saint-Remy. Elle se trouve dans le diocèse de Reims, à trente kilomètres au sud de Sedan. L'ancienne maison du prieur marque encore l'endroit du célèbre monastère. Les premiers moines fondateurs s'y installèrent en 1136 ; Joran, l'ancien abbé de Saint-Nicaise, y prit l'habit cartusien deux ans plus tard. Mais la dédicace de l'église n'eut lieu qu'en 1144. La cérémonie groupa autour de Samson, archevêque de Reims, les prélats de la province. Ce fut sans doute l'occasion pour l'abbé émérite de Saint-Thierry de faire le voyage de Mont-Dieu et de voir de ses propres yeux cette fondation vite célèbre. La règle cistercienne ne pouvait l'en empêcher, puisque saint Bernard avait obtenu du chapitre cistercien que son ami Guillaume pût toujours sortir de son