L’Autre Dieu, c’est d’abord un style, des images vives et contrastées, des raccourcis qui emportent le lecteur dans la vie et la réflexion de l’auteure, comme une compagne des bouleversements intérieurs où la révélation, la proximité d’un Dieu tout autre se donnent à sentir. L’auteure est une femme mariée et mère de deux enfants, théologienne de confession protestante.
Et la vie est ici l’entrecroisement de trois fils : ses visites et conversations, comme aumônier d’hôpital auprès de malades désespérés, la renvoient inévitablement à l’épreuve douloureuse de la maladie d’un fils qui faillit mourir en bas âge. Un travail sur le livre de Job vient aviver sa mémoire et surtout l’ouvrir à un Dieu qui échappe à toute catégorie de pensée : « Il n’existe pas de formation universitaire qui prépare à l’impuissance. » La Plainte, cette lancinante question du « pourquoi ?» et « pourquoi moi ? » qui revient, inlassablement ressassée, n’est pas liée à la perte ou au mal ressentis, mais au sentiment d’abandon et d’injustice, comme Job en fit l’expérience. Dieu n’est pas celui qui « protège mon enclos ». La Menace, qui prend la forme de discours de justification et de culpabilisation intérieurs, à la manière des amis de Job, cherchant des raisons au risque du mal, au vide de toute assurance. Le « courage d’être » donne la force et l’espérance de tenir. Mais, quand elle accepte que rien ne puisse garantir ni la vie de son fils, ni la sienne, ni celle des malades, que Dieu ne soit coupable d’aucune catastrophe et ne garantisse aucune justice, que meure « la vieille peau » du négoce de la vie avec Dieu, c’est alors que le Dieu de la Grâce peut se pressentir et prendre consistance. Cet « Autre Dieu » est un Dieu sans mesure, qui ne se laisse enclore par rien, qui fait de toute naissance et de toute vie, même la plus précaire, une victoire sur le chaos, un Dieu qui « fait prendre le risque de vivre ». Un Dieu qui aime et sauve gratuitement.
L’Autre Dieu est un petit livre nourrissant, plein de justesse et de simplicité spirituelle. Une aide à se situer dans la foi de manière juste, devant Dieu-Père qui appelle à la vie.
 
Remi de Maindreville