« Allez et enflammez le monde » : telle est l’exhortation du fondateur de la Compagnie de Jésus qui inspira le motif de l’immense fresque en trompe-l’oeil peinte en 1685 par Andrea Pozzo sur le plafond de l’église romaine Saint-Ignace-de-Loyola. Ce décor célèbre illustre l’apothéose du mouvement missionnaire : un rayon de lumière divine illumine saint Ignace, qui le diffuse aux quatre coins de l’univers pour symboliser la vocation évangélisatrice des jésuites. Ceux-ci allaient en effet mettre en pratique les dernières instructions laissées par le Christ à ses disciples : « Quand le Saint- Esprit descendra sur vous, vous recevrez de la force et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la Terre » (Ac 1,8).
Comme les apôtres, les premiers compagnons d’Ignace de Loyola se destinaient à explorer le monde pour y apporter la Bonne Nouvelle. Ils auraient bien aimé, d’ailleurs, s’acheminer vers Jérusalem, à l’exemple de leur supérieur qui s’y était rendu en 1523. Mais la Providence allait en décider autrement. Après le serment qu’ils avaient prononcé à Montmartre, le 15 août 1534, ils avaient ajouté, aux trois voeux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, un voeu supplémentaire qui les plaçait sous l’autorité papale : « Par le quatrième voeu d’obéissance au pape, on visait à ne pas se fixer dans un pays déterminé. (…) Les compagnons, venus de divers royaumes, ne savaient où aller, chez les fidèles ou chez les infidèles. Pour ne pas errer, ils firent donc ce voeu afin de laisser le pape les répartir lui-même, pour une plus grande gloire divine, selon leur projet de parcourir le monde » 1. Nouveaux « apôtres » – tel serait plus tard le surnom des jésuites –, ils allaient donc être mandatés par le représentant du Christ, conformément à la volonté de leur fondateur qui, dans ses Exercices spirituels, encourageait à voir « les hommes qui sont sur la Terre, si divers de costumes et de visages : les uns blancs, les autres noirs ; les uns en paix, les autres en guerre ». Un souhait complété par la Formule de l’Institut qui précise : « soit chez les Turcs, ou autres infidèles, même dans ces régions qu’on appelle les Indes, soit chez toutes sortes d’hérétiques ou de schismatiques, ou encore de fidèles, selon qu’ils [le pape actuel ou ses successeurs] le jugeront à propos... » 2.
La conjoncture est favorable au développement de cet ordre apostolique. Les textes qui partagent le monde entre les deux couronnes d’Espagne et du Portugal 3 obligent les souverains des pays conquérants à évangéliser les contrées découvertes. Or, l’Église d’Occident doit faire face à une situation chaotique. De l’intérieur, sa stabilité est menacée par les humanistes. Mais le réel danger vient des adversaires du catholicisme : le luthéranisme commence à se répandre en Europe, relayé par le calvinisme. Le nouvel ordre qui propose de...
Comme les apôtres, les premiers compagnons d’Ignace de Loyola se destinaient à explorer le monde pour y apporter la Bonne Nouvelle. Ils auraient bien aimé, d’ailleurs, s’acheminer vers Jérusalem, à l’exemple de leur supérieur qui s’y était rendu en 1523. Mais la Providence allait en décider autrement. Après le serment qu’ils avaient prononcé à Montmartre, le 15 août 1534, ils avaient ajouté, aux trois voeux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, un voeu supplémentaire qui les plaçait sous l’autorité papale : « Par le quatrième voeu d’obéissance au pape, on visait à ne pas se fixer dans un pays déterminé. (…) Les compagnons, venus de divers royaumes, ne savaient où aller, chez les fidèles ou chez les infidèles. Pour ne pas errer, ils firent donc ce voeu afin de laisser le pape les répartir lui-même, pour une plus grande gloire divine, selon leur projet de parcourir le monde » 1. Nouveaux « apôtres » – tel serait plus tard le surnom des jésuites –, ils allaient donc être mandatés par le représentant du Christ, conformément à la volonté de leur fondateur qui, dans ses Exercices spirituels, encourageait à voir « les hommes qui sont sur la Terre, si divers de costumes et de visages : les uns blancs, les autres noirs ; les uns en paix, les autres en guerre ». Un souhait complété par la Formule de l’Institut qui précise : « soit chez les Turcs, ou autres infidèles, même dans ces régions qu’on appelle les Indes, soit chez toutes sortes d’hérétiques ou de schismatiques, ou encore de fidèles, selon qu’ils [le pape actuel ou ses successeurs] le jugeront à propos... » 2.
La conjoncture est favorable au développement de cet ordre apostolique. Les textes qui partagent le monde entre les deux couronnes d’Espagne et du Portugal 3 obligent les souverains des pays conquérants à évangéliser les contrées découvertes. Or, l’Église d’Occident doit faire face à une situation chaotique. De l’intérieur, sa stabilité est menacée par les humanistes. Mais le réel danger vient des adversaires du catholicisme : le luthéranisme commence à se répandre en Europe, relayé par le calvinisme. Le nouvel ordre qui propose de...
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