Quel rapport entre l'expérience spirituelle et le tissage du social ? Question saugrenue ? Question délicate en tout cas, à l'heure où, face au désarroi ambiant, les croyants peuvent être tentés de désigner la racine du mal et d'en appeler à un « sursaut spirituel », comme si nous avions des solutions là où beaucoup peinent et continuent malgré tout de prendre les problèmes à bras-le-corps.

Pourtant, il se pourrait bien que le malaise des sociétés riches ait quelque chose à voir avec des questions spirituelles. Le cardinal Carlo Maria Martini (1927-2012), dans une interview au Monde, parlait des difficultés des pays du premier monde comme d'une « crise de la liberté et de la conscience ». Voilà qui incite, il me semble, à revisiter l'expérience spirituelle en ce qu'elle a de plus élémentaire.

Se recevoir d'un autre

Par bien des aspects, notre existence ressemble à une aventure, un itinéraire sur la Terre où un formidable désir de vivre tente toujours de se dire et redire, aux prises avec mille formes d'adversité. L'extraordinaire, c'est qu'avec ces deux ingrédients – on pourrait dire : ces deux couleurs – il y a de quoi peindre un nombre infini de tableaux. Et, finalement, quand on y réfléchit, on peut se dire que toutes les histoires, les épopées, les romans, les films, mettent aussi en jeu à nouveaux frais ces deux éléments : le désir de vivre et l'adversité. Ne feraient-ils pas jouer autre chose ? Le caractère plus ou moins poignant du récit, ce qui le distinguera d'un mauvais film, ce sera peut-être, justement, sa capacité à élargir un peu le cadre, à faire entrevoir quelque chose d'une expérience spirituelle. Mais alors, à quel moment commence cette expérience spirituelle ?

Nos aventures prennent une autre tonalité dès lors que, dans tout ce remue-ménage, il est suggéré que ce désir de vivre pourrait bien s'originer ailleurs qu'en nous-mêmes. L'expérience spirituelle commence lorsque