Christus : Vous avez travaillé avec Maurice Bellet et étudié son œuvre dans vos propres travaux, comment en êtes-vous venu à vous intéresser à lui ?

Dominique Collin : J'ai rencontré Maurice Bellet lors d'un repas organisé par des amis communs. J'eus l'impression immédiate, qui fut renouvelée les nombreuses fois où nous nous sommes vus, que sa pensée entrait en résonance avec ce désir de penser que je trouvais déjà peu honoré parmi les chrétiens. Après cette rencontre, je me suis mis à le lire et à le retrouver régulièrement pour échanger autour de ce qui nous travaillait l'un et l'autre : libérer la parole chrétienne de l'insignifiance dans laquelle elle est entrée, dans un monde devenu postchrétien.

Le courage d'un théologien

Christus : Les nombreux échanges que vous avez eus avec lui pendant quinze ans ont-ils eu des conséquences sur votre façon de faire de la théologie ?

D. C . : Je résumerais ainsi l'apport de Bellet à mon propre travail : chercher une foi qui réfléchit plus que sa réduction moderne à un savoir faible. D'où l'enjeu de sortir le christianisme de sa sclérose, faute de pouvoir se dire dans un monde postchrétien et postmoderne. Aujourd'hui, le langage chrétien est frappé d'insignifiance parce que les chrétiens se sont rendus incapables de justifier leur prétention à annoncer une Bonne Nouvelle autant qu'à la proposer comme orientation possible pour tous. Depuis le concile Vatican II, on a cherché à renouveler l'expression du langage de la foi, à mieux dire le sens des contenus chrétiens ; mais cela n'a pas permis d'inverser la tendance qu'a la parole chrétienne à verser dans l'insignifiance. L'insignifiance, c'est quand ça ne parle plus, même si on le formule autrement. Je suis très sensible à l'absence d'écho de la parole chrétienne alors que m'apparaît de plus en plus que l'Évangile est communication de la joie d'exister. Il nous faut donc penser autrement, pour indiquer ce qui, à partir de la vie qui ne va pas de soi, donne à entendre la possibilité d'exister enfin, de « vivre vraiment ». Maurice Bellet fait partie de ces gens qui autorisent