J’écoutais en silence.
René (Chateaubriand)

Dimanche matin, onze heures, Théâtre du Châtelet à Paris. Les premières notes des Variations Goldberg font entendre le silence dont elles proviennent. Elles s’en détachent, ce serait encore trop dire : la musique ce matin-là faisait chanter le silence. La musique révélait ce dont il était gorgé ; le silence lui avait été nécessaire pour en venir là. Au terme d’une heure de musique, nous nous en retournions transformés. La musique s’était tue sans que le silence éteigne ce qu’il avait éveillé. Venu de cet obscur fond de scène d’où rien ne semblait pouvoir surgir, le silence portait le chant sans qu’il s’épuise ou sature l’oreille. Zhu Xiao-Mei, l’interprète de ce matin-là, n’avait-elle pas autrefois traversé l’horreur des camps, tenue par l’écoute intérieure de ces Variations ? Ce silence s’était à nous révélé force vive. Il invitait chacun à écouter le chant entonné en lui-même.
On l’aura compris, le silence et la musique ne s’opposent pas comme le vide et le plein, celle-ci emplissant le creux de l’oreille jusqu’à l’obturer. La musique n’est pas un bouche-trou. Le silence n’est pas non plus le vide où l’homme se perd. Le silence est, à tout le moins, une qualité d’écoute : il présuppose qu’il y a quelque chose – quelqu’un – à entendre. À moins de cela, il emmure. Et voilà à son tour un silence qui bouche les oreilles et asphyxie. Silence de la tombe. Au lieu de cela, le silence appelle, fait entendre. Silence confiant, à l’écoute plutôt qu’aux aguets. Silence de foi. J’écoute en silence.
Surgit alors la question qui s’empare de toute l’humanité : qu’est-ce qui s’écoute dans le silence ? Question s’il en est de l’existence chrétienne quand nous disons écouter la Parole de Dieu, et pour cela, faire silence et