Il arrive qu'un être humain oriente son désir vers Dieu lui-même et le lui dise en une prière semblable à celle du Psaume : « Dieu, c'est toi, mon Dieu ! Dès l'aube je te désire ; mon âme a soif de toi ; ma chair languit après toi » (62,2). À l'acte de foi en Dieu qui se laisse interpeller en personne mais reste hors de prise le priant unit l'expression directe du désir qu'il a de lui, tout son être prenant part à ce mouvement sous-tendu par la douleur de l'absence Au cours des âges, de nombreux croyants ont prié ainsi. Pensons notamment aux prières demandant le don de l'Esprit de Dieu, comme y invite cette parole du Christ : « Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit saint à ceux qui l'en prient ! » (Le 11,13).
Qu'il soit désir de recevoir l'Esprit, d'être avec le Christ ressuscité, de voir Dieu, de l'aimer et de recevoir son amour, le désir de Dieu est au cœur de la vie des croyants. Chez les uns, la lecture des premiers mots du Psaume 62 évoqués à l'instant rejoindra d'ailleurs aussitôt un désir familier et profond. Mais à d'autres, elle restera étrange ou indifférente. Plus probablement, elle suscitera un mélange de réserve intriguée que peut signifier l'ardent désir d'un être inaccessible aux sens ? Et d'adhésion mesurée : la foi me porte effectivement à m'unir au Dieu ami des hommes, et j'en éprouve le désir, mais ce désir me déconcerte. Habituellement peu sensible, dominé par tant d'autres, il paraît sans proportion avec le mystère qui l'attire. S'annonce-t-il plus ardent, et je crains déjà, peut-être, que sa croissance ne m'entraîne dans quelque illusion mystique. La métaphore de la soif surgissant dès l'aube ne suggère-t-elle pas que ce désir est le prolongement des rêves qui, la nuit, habitent les profondeurs de l'âme et de la chair, encore secrètement assoiffées du plaisir autrefois goûté au sein ?
Deux abîmes semblent ici se répondre : celui d'un Dieu dont le mystère s'offre au désir de vie heureuse,