Philippe Charru s.j. Centre Sèvres, Paris.
A récemment publié : L’esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach (avec C. Theobald, Mardaga, 2002), Voici l’Homme. Au carrefour du Miserere de Georges Rouault et de la Via Crucis de Franz Liszt (avec V. Fabre, Éditions Facultés jésuites de Paris, 2006) et Quand le lointain se fait proche : la musique, une voix spirituelle (Seuil, 2012).
Dernier article publié dans Christus : « L’écoute, une voie spirituelle » (n° 223, juillet 2009).
Il se trouve que des prêtres, des religieux et des religieuses quittent un jour leur ministère ou leur congrégation des années après s’y être engagés à vie. Selon les responsabilités qu’ils exercèrent, leur départ peut passer inaperçu ou au contraire avoir un retentissement ecclésial et social plus ou moins grand. Certains s’en scandalisent, d’autres s’en étonnent ou en souffrent, d’autres encore font preuve de compréhension. Beaucoup y voient aujourd’hui un symptôme de plus d’une Église qu’ils estiment en crise sinon en voie de disparition.
On ne cherchera pas ici à analyser les raisons de ces départs, encore moins à porter un jugement. Le respect des personnes et la complexité des itinéraires toujours singuliers, comme l’extrême diversité des situations institutionnelles, invitent à la prudence et mettent à mal toute généralisation hâtive. Par ailleurs, on ne saurait ramener au seul plan sociologique, psychologique ou juridique, ce qui représente un débat de conscience souvent long et difficile.
On ne succombera pas pour autant à la tentation de banaliser ce genre de décision. La tendance, aujourd’hui diffuse dans les esprits et les discours, à discréditer les engagements à vie tels que le mariage, l’ordination presbytérale ou la vie religieuse sous le couvert d’une prétendue liberté enfin rendue à elle-même, entretient plutôt l’indécision qui n’en finit pas de surfer au gré des événements sur le temps qui passe et fait de la quête du bonheur une fuite en avant désenchantée. Un mot de Paul Valéry démasque avec lucidité le ressort caché de cette banalisation affichée : « Que veux-tu ? Rien, mais tout… Que crains-tu ? Vouloir » (Chanson à part).
« Refaire sa vie » ou « ordonner sa vie » ?
L’expression « refaire sa vie » semblerait plus ajustée au moment d’un tel changement d’orientation de son existence. On peut en effet entendre dans cette expression une manière d’affirmer sa confiance en la vie et sa volonté de rebondir en engageant le meilleur de soi-même.
On ne peut que souscrire à cette précieuse détermination intérieure dont on voit bien les fruits qu’elle porte. L’expression est-elle pour autant satisfaisante ? On peut en douter. En réalité, personne ne « refait sa vie », personne ne recommence sa vie. On ne peut faire que c...
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