Christus : Vous avez acquis une certaine notoriété publique comme présidente de la Corref [Conférence des religieux et religieuses de France] mais, avant d'arriver dans cette institution, vous avez réalisé bien d'autres choses. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Véronique Margron : Je suis d'un milieu plutôt laïc. J'ai rencontré incidemment la vie religieuse à travers une congrégation, au détour de mes études de psychologie et de mon travail d'alors pour payer mes études. Ces femmes me paraissaient normales. Des femmes passionnées mais des femmes qui ne cachaient pas leurs fragilités. Au bout du compte, j'ai demandé à entrer dans cette congrégation, les Dominicaines de la Présentation dont la maison mère est à Tours. Ces années-là, je travaillais avec des mineurs en danger au ministère de la Justice, dans la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le contraste était très dur mais important à vivre. Un contraste entre un monde difficile (avec des jeunes bien fracassés) et une communauté religieuse qui cherche du sens, qui prie, qui a des relations humaines apaisées. Habiter ces deux mondes participait à mon équilibre. Mes collègues estimaient pour leur part que j'entrais dans une secte ! Parallèlement, j'étudiais la théologie. J'ai eu cette chance d'entrer progressivement dans la vie religieuse, tout en continuant mon métier, c'est-à-dire en restant dans un monde militant laïc. À la fin du premier cycle de mes études, la prieure provinciale m'a proposé d'aller à Tours, car le diocèse y cherchait un aumônier d'étudiants. J'ai trouvé cette mission magnifique et je crois qu'elle a ancré ma foi car il me semblait que ces jeunes étaient parfois plus croyants que moi ! En tout cas, plus confessant. Ce furent des années pleines de rencontres, d'écoute, de recherche, de passion. Puis, à la fin du deuxième cycle de théologie morale, est venu me voir le doyen de théologie d'Angers : il cherchait quelqu'un pour remplacer un professeur malade. Voilà comment je me suis mise à enseigner. Dans le même temps, je suis devenue maîtresse des novices. La Catho [Université catholique de l'Ouest ou UCO] était une autre aventure, parce que plus ad intra de l'Église, mais intellectuellement et humainement passionnante car les étudiants étaient très divers.