Il faut lire Baudelaire comme nous lisons Pascal.
Au Lecteur : le poème liminaire des Fleurs du mal est une confession, un examen de conscience, un miroir où l’auteur et le lecteur peuvent également se reconnaître dans leur misérable comédie et leurs évasions illusoires, leur enfer intime, leur assujettissement à Satan. Lire cette page comme un admirable poème, la tenir pour une superbe façade, le porche ou le tympan solennel d’un recueil, au lieu d’y reconnaître le dévoilement d’un « coeur mis à nu », un De profundis, c’est ne pas l’entendre, ne pas entendre sa vérité. C’est rester au plan de la littérature, de l’illusion littéraire, retenu par la forme, cette « idole », empêché par le plaisir, la complaisance, d’accéder au sens, au déchirement de l’âme. Il en va de même pour tous les chefs-d’oeuvre. Le talent, le génie, notre admiration elle-même, nous cachent qu’au delà de toute littérature, au delà de l’art, de l’oeuvre, il s’agit de l’homme, de sa misère, de sa grandeur. Et « l’homme, dit Pascal, passe infiniment l’homme ».
Il est vrai que l’admiration, la dévotion à la forme, la communion dans la beauté, la délectation même, peuvent, comme l’ascèse de l’artiste, être la voie de la transcendance, d’un salut, et non ce piège où le miroir est pris pour la réalité, la vérité ; non cette stagnation dans ce qui n’avait pas tant pour fin l’achèvement et la perfection d’une forme que l’ouverture intérieure à l’infini. À la source et en deçà du chant, le cri, la déchirure ; au delà du cri, au delà du chant, le Chant, illuminé de silence.
La religion de l’art
Pour Baudelaire, pour ce « fils » de