Père Noé, qui plantastes la vigne... » Ce vers de Villon me revient à l'esprit au moment d'évoquer la grande et paternelle figure de Lanza del Vasto, que j'ai connu quand je n'avais pas vingt ans, et dont je fus proche jusqu'à son départ de ce monde, à l'Épiphanie 1981, — ce jour où la liturgie de l'Église d'Orient, fêtant la Théophanie, commémore Noé, l'Arche et la traversée du déluge, le baptême du Christ et Jean le Précurseur ; tandis qu'en Occident l'Église fête l'adoration des mages d'Orient, ces rois dont Lanza avait le visage et la stature, la majesté, en même temps que ce manteau invisible et rayonnant que pose, sur les épaules d'un homme, d'un voyageur et d'un nomade, d'un pèlerin, l'expérience des lointains.

LE FONDATEUR DE L'ARCHE


« Père Noé, qui plantastes la vigne » : cette sorte d'exergue convient à celui qui raconta une partie de sa vie — après le retour de l'Inde, après le Pèlerinage aux sources, sous ce titre : « L'arche avait pour voilure une vigne », — l'Arche étant l'Ordre et la communauté qu'il avait fondés, dans la fidélité à Gandhi, dont il avait reçu le nom qu'il porta désormais : Shantidas, « Serviteur de Paix ». Et ceux qui ont lu ce livre, ou seulement l'ont vu, se souviennent de la vignette dessinée pour sa couverture par Lanza — qui était aussi ciseleur, dessinateur : une arche de Noé dont en effet naissait une vigne généreuse en rameaux et en grappes, - une vigne telle que celle où fut cueillie sur la Terre promise la grappe que deux hommes portaient à grand-peine sur une perche entre leurs épaules... Et l'Arche vinifère en somme préfigurant la Croix, mais signifiant aussi l'arc-en-ciel, alliance et lien de la terre et du ciel, de l'homme et de Dieu, du visible et de l'invisible dans la lumière et la paix ; signifiant le Salut la délivrance du mal et le passage à travers la mort. L'arc-en-ciel, — pacte entre l'homme et Dieu, promesse de paix accordée aux hommes de bonne volonté, déjà ! s'ils veulent ensemble cette paix, et travaillent à la faire. Arche d'un monde à l'autre.

Un maître de vie


Il arrivait à Lanza lui-même de citer Villon, poète dont sa poésie à maints égards est proche, mais ce vers m'est revenu parce que, voici quelques jours, un ami qui évoquait mon propre