Charles de Foucauld, biograghie (1858-1916), Pierre Sourisseau, Salvator, 2016, 720 pages, 29,90 € / Charles, le libéré - Foucauld rendu à lui-même, Jean-François Six, Salvator, 2016, 216 pages, 18,90 €.

 

Deux livres importants, parmi ceux qu'a suscités le centenaire de la mort du bienheureux Charles de Foucauld. Dans la somme de Pierre Sourisseau, toute l'information disponible sur cet homme si simple et si complexe est chronologiquement présentée (faits, documents, etc.). On suit Foucauld presque pas à pas, au jour le jour. Les extraits de ses écrits, de sa correspondance surtout, sont judicieusement choisis et commentés. Le lecteur attentif des belles études de Jean-François Six, du frère Antoine Chatelard, de Maurice Serpette découvre des données qu'il ignorait ou sur lesquelles son attention n'avait pas été attirée. Il lit par exemple que le père de Charles, ingénieur des eaux et forêts, n'est pas décédé précocement des suites d'une aliénation mentale mais, très probablement, de la maladie de Lyme, qui fait tant parler d'elle aujourd'hui. Il comprend que Charles, au Sahara, était entretenu financièrement par sa famille : ayant abandonné sa fortune à sa sœur Marie de Blic au moment d'entrer à la Trappe et devenu prêtre diocésain, il n'avait pas d'autre source de revenus. L'auteur était le mieux placé pour ce genre d'ouvrage, puisqu'il est l'archiviste du procès de canonisation.

C'est un livre délesté du souci d'érudition, en revanche (pas une note de bas de page !), que présente le grand spécialiste de Foucauld qu'est Jean-François Six. Un petit livre aussi « libéré » que l'homme dont la trajectoire est ici retracée au pas de course. Épure d'un chemin vers la vraie liberté spirituelle, « l'abandon ». Itinéraire d'un homme à l'énergie farouche, d'abord épris d'exploits et de conquêtes, comme Ignace de Loyola. Dans un premier temps, conquête ethnographique : explorer clandestinement le Maroc interdit. Puis, plus difficile, conquête de soi-même (la Trappe) et de la dernière place : domestique à Nazareth, avant d'aller s'enfouir au Sahara. Mais l'appel de la fraternité avec les plus délaissés aura été plus fort que les rêves d'héroïsme et la crampe stoïcienne. Parmi les Touaregs, Charles découvrira, pendant les dix dernières années de sa vie, que, pour Jésus, rien ne vaut le consentement à l'événement et à la vie partagée avec les pauvres, au ras du quotidien et de l'ordinaire. Alors que tout le sépare a priori des pauvres (la langue, la culture, la religion, la politique), renoncer à la position de surplomb et aux projets de maîtrise, se mettre à l'écoute et à l'école de l'autre, pour un apprivoisement mutuel, en attendant que soit possible l'annonce évangélique. Plus gratifiante encore que la joie de donner, la grâce de s'abandonner, de s'en remettre à Dieu et aux autres. Charles, un antihéros, enfin.