Naviguer dans la haute mer de Dieu
Opuscules spirituels.
Prés. B. Forthomme. Trad. C. Santambrogio. Éditions Franciscaines, 2010, 274 p., 15 euros.
Grande figure de l’Italie mystique, Camilla Battista, de trente ans plus âgée que saint Ignace, a été canonisée en 2010. Après son autobiographie spirituelle en 2009, Bernard Forthomme publie, pour la première fois en français, les trois traités majeurs de la moniale franciscaine et de son cercle : Les Douleurs intérieures du Christ, les Instructions à un disciple, le Traité de la pureté de coeur. Le premier de ces traités s’inscrit dans une longue tradition se réclamant de Bonaventure, en l’infléchissant dans le sens de l’intériorisation. Il propose une identification intime à la personne du Christ souffrant, non seulement en son corps mais aussi et surtout en son âme : douleur devant la trahison de ses disciples et de son peuple, devant la résistance aussi du genre humain en général. La peine infernale elle-même devient douleur du Christ lui-même ! Comme dans l’autobiographie de Camilla, ce n’est pas un dolorisme malsain qui s’exprime ici mais le prix à payer pour rejoindre le Christ dans la vie de « l’homme nouveau ». Les Instructions à un disciple montrent à l’oeuvre une clarisse dirigeant spirituellement et soutenant un ministre de l’Ordre affronté à des critiques. Le Traité de la pureté de coeur – reprenant une tradition ancienne qui se retrouvera, au XVIIe siècle, chez Lallemant par exemple – insiste sur la pureté d’intention dans le cadre d’une mystique plus trinitaire encore que christologique. Dans sa magistrale introduction générale, B. Forthomme expose la manière dont l’expérience mystique peut être aujourd’hui comprise, dans une problématique contemporaine qui lui rend toute sa pertinence. Cette forme de manifeste s’adosse à l’impressionnante culture philosophique et théologique, psychologique aussi, qu’il a déployée ailleurs, en de savants ouvrages.