Permettez-moi, avant d'entrer dans les choses dites « sérieuses », de vous raconter une anecdote. J'avais été invité à Angers, en 2002, par une communauté religieuse féminine missionnaire, pour une session de deux jours sur « comment vivre avec les pauvres en Afrique ». Je leur ai demandé : « Avez-vous invité des Africains pour vous en parler ? – Non, nous n'y avons pas pensé !… – Permettez-moi de le faire. » Je suis alors venu avec Alphonse et Claudine, du Congo Kinshasa. Et je les vois encore dire aux religieuses, un peu médusées : « Vous savez, nous, au Congo, nous avons découvert que nous étions pauvres quand vous êtes arrivées chez nous… »

Je n'ai pas la prétention d'écrire ce que dit la Bible sur la pauvreté. J'en serais bien incapable. Je vais seulement partager ici comment j'ai appris à la lire, au fil des années et des rencontres.

« J'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte »

L'expérience la plus fondamentale du peuple de la Bible reste pour moi celle de l'Exode. Un groupe d'esclaves, libéré dans des conditions assez extraordinaires, deviendra le cœur du peuple de Dieu. Leur histoire est désormais racontée sous la forme d'une épopée, première révélation du Dieu de Moïse, le Dieu de la libération et du service, un Dieu qui ne supporte pas que ses enfants soient soumis à la misère et à l'oppression. Tout commence lorsque le jeune Moïse, sauvé des eaux, découvre l'injustice faite à ses frères. Il commence par se donner lui-même une mission de justicier. Elle se termine par une triste fuite hors d'Égypte, pour échapper à la colère de Pharaon (Ex 2,11-15). Mais Dieu vient le chercher dans le désert :

« J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui