Trad. E. Bloch. Lessius, coll. « La Part-Dieu », 2007 , 144 p., 15,50 euros.

Il nous est toujours bon d’entendre des voix venues d’ailleurs. C’est ce qui advient lorsque nous lisons ce livre dont l’auteur, moine bénédictin d’ori­gine belge, vit au Pérou depuis de nom­breuses années et a été responsable de l’équipe de théologiens de la Conférence latino-américaine des religieux (CLAR).
C’est peut-être dans les dernières pages du livre que nous saisissons la thèse de Simon-Pierre Arnold. La si­tuation de l’Amérique latine lui apparaît désespérante. Trop de pauvres y sont bafoués dans leur dignité : « Ce temps-ci est un temps de mort. Par conséquent, notre prophétisme doit être en lien avec cette conjoncture. » Tel les prophètes de l’Exil, il invite les religieux à voir ce temps comme un « moment favorable » pour une vraie conversion spirituelle. « Re-fondation », « réconciliation », « remise en question » radicales… au risque de Jésus-Christ et de l’Évangile ; appel à revenir aux fondements sur lesquels la vie religieuse est bâtie. Si le propos s’adresse d’abord aux religieux d’Amérique latine, il peut revigorer la vie religieuse où qu’elle soit.
« Relecture des voeux », certes, mais d’abord proposition d’une nouvelle terminologie : les trois « voeux » de « chasteté, pauvreté, obéissance », ne peuvent-ils être compris et exprimés sous forme d’« options évangéliques » choisies parmi d’autres possibles, pour devenir disciples du Christ ? Saint Benoît ne proposait-il pas déjà à ses frères et soeurs une autre terminologie (« obéissance, conversion des moeurs, stabilité ») tout aussi pertinente ? Parler d’« options évangéliques » au lieu de « voeux » n’obligerait-il pas les religieux à passer d’une option ascétique à une op­tion mystique, du « devenir modèle » au « devenir signe » ? Cela ne donnerait-il pas aussi une souplesse nécessaire au­jourd’hui devant la diversité des chemins évangéliques autres que la vie religieuse ?
Relisant chacun des voeux, l’auteur rafraîchit aussi leurs contenus : libérés de la violence, les voeux seront « parole de réconciliation » et « bénédiction pour le monde d’aujourd’hui ». Il s’agit de promouvoir un retour à la spontanéité évangélique, une prise en compte par la chasteté de toute son humanité sexuée, un consentement à la mort et une ré­conciliation avec la finitude. La vie re­ligieuse est alors consécration comme être « dans le monde », tout en n’étant « pas du monde », mais elle est surtout « pour le monde ».
À l’école de la communauté et dans un contexte postmoderne et latino-américain marqué par la « profonde déception (…) face aux échecs honteux des utopies ecclésiales conciliaires et de celles de Medellín, ainsi que des uto­pies politiques socialistes et des projets de société basés sur la justice », reste alors à vivre la pauvreté avec les pauvres comme expérience, de la résistance et de l’insécurité et l’obéissance comme une spiritualité de la confiance.