Si la « bienheureuse Isabelle de France » n’est pas une inconnue pour le martyrologe romain qui lui consacre une courte notice, celle-ci profiterait bien du dépoussiérage que cet ouvrage lui apporte. Celui-ci est le fruit d’une collaboration internationale entre chercheurs, qu’ils soient eux-mêmes historiens du Moyen Âge, linguistes, spécialistes de musique ou de liturgie, archivistes, paléographes… Le lecteur y touche du doigt la façon dont se font les échanges entre chercheurs, chacun n’hésitant pas à informer les autres de ses nouvelles découvertes, ou à remercier un collègue pour une trouvaille qui le fait changer d’avis…
Le livre commence avec un avant-propos rédigé par Jacques Dalarun, médiéviste reconnu qui dirige la collection des « Sources franciscaines » et en particulier cette étude sur Isabelle de France. De ce livre, la figure d’Isabelle de France se dégage dans toute sa complexité et avec bonheur. Née en mars 1225, fille de Louis VIII, roi de France, et de Blanche de Castille, soeur cadette de saint Louis, nous découvrons une femme éprise de Dieu, volontaire, quitte même à être rebelle.
Orpheline de père dès 1226, elle reçut son éducation de la reine. Dès l’âge de 2 ans (1227) elle fut promise en mariage pour raison d’État, puis de nouveau en 1229… Mais ces promesses n’aboutirent pas. Plus sérieusement, quand elle eut 18 ans, alors que des négociations étaient en cours en vue de la marier à Conrad IV, futur empereur germanique, c’est elle qui dit non, résistant à la pression de la famille royale de France, de l’empereur germanique et même du pape, car « elle avait choisi Notre Seigneur Jésus- Christ pour époux éternel et parfaite virginité » (document 38, p. 278). Personne ne put la faire céder.
Bientôt le pape, prenant acte de son choix du célibat pour l’amour du Christ, lui conseilla d’officialiser sa situation en prononçant au moins un « voeu ». Elle refusa. Ce refus ne l’empêcha pas de s’adresser elle-même à son tour à ce même pape, lui demandant que des Frères mineurs lui soient attribués comme confesseurs. Elle a alors en tête un autre dessein : la fondation d’un nouveau monastère inspiré par la spiritualité franciscaine ; ce sera le monastère de Longchamp. Elle-même ne prononça jamais des voeux de moniale. En revanche, comme patronne royale résidant sur place, Isabelle représentera, pour les soeurs, un modèle de dévotion pénitentielle et une source d’autorité.
Son projet aurait pu s’appuyer sur celui de sainte Claire, dont la Règle inspirée de celle de François était en cours d’approbation, mais non : elle préféra rédiger elle-même, avec l’aide d’un bataillon de conseillers franciscains, une autre règle qui corresponde davantage à son inspiration. Alors que Claire avait bataillé pour obtenir que ses monastères reçoivent, comme les frères de François, « le privilège de la pauvreté », Isabelle insistera davantage, quant à elle, sur le choix de l’humilité, autrement dit la « minorité » de la famille franciscaine. La rédaction de sa Règle aboutira en 1263 à l’approbation pontificale pour les « Soeurs mineures du monastère de l’Humilité de la bienheureuse Vierge Marie au diocèse de Paris ».

Humilité qui fut d’abord la sienne, non pas sous forme de soumission aveugle à l’autorité, que celle-ci soit maternelle, familiale, royale ou impériale, ou même pontificale… mais fidélité d’une femme amoureuse, résistante et libre…
 

Marie-Amélie Le Bourgeois