En un vigoureux essai, Adrien Candiard, dominicain, propose une réflexion sur la liberté chrétienne. L'ouvrage est le bienvenu, alors que les crimes sexuels et abus commis par des membres de l'Église s'originent dans une violation de la liberté d'autrui et de sa conscience.
L'auteur part de la brève lettre de Paul à son ami Philémon à propos d'Onésime, l'esclave de ce dernier qui s'est enfui, qui est venu visiter Paul en prison et a été baptisé par lui. Paul renvoie Onésime vers Philémon avec cette lettre, dans laquelle il dit : « Je n'ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce bien non pas sous la contrainte mais librement. » Paul refuse de décider à la place de son ami, lui laissant la décision non seulement de libérer Onésime de l'esclavage, mais de l'accueillir en « frère bien aimé ». Partant de ce passage, le frère Adrien conduit son lecteur à la rencontre des Écritures pour se laisser éclairer sur le sens de la liberté chrétienne.
Au fil des chapitres, dans un style direct et simple, l'auteur met d'abord le lecteur en contact avec Paul dans son propre itinéraire de « libération, par l'amour surabondant et gratuit de Dieu, sur le chemin de Damas » (p. 48), ce qui le conduit à un infini respect pour la liberté d'autrui. Puis, transitant par le récit d'Adam et d'Ève, le frère Adrien invite à renouveler notre compréhension de la volonté de Dieu et à percevoir que « la vie chrétienne ne peut être un ensemble de choses à faire pour mériter l'amitié de Dieu, mais l'accueil de cette amitié que le Christ propose » (p. 64). Dès lors, il apparaît que le salut n'est pas « la récompense de notre amitié avec le Christ », mais « est cette amitié même qui nous unit à Dieu pour l'éternité » (p. 67). À partir de ce point, l'auteur propose une réflexion sur la vertu de chasteté en tant qu'amour profondément respectueux de l'autre et de sa liberté. Avec le compagnonnage des deux sœurs Marthe et Marie et de Jésus, ce sont alors les attentes de rétribution en contrepartie des efforts vertueux de service d'autrui qui sont questionnées, afin de faire entrer pas à pas le lecteur dans la logique gracieuse de l'Évangile. Finalement, en lisant la parabole des deux débiteurs, le frère Adrien met en lumière que l'enjeu est d'accueillir, avec liberté, le don qui nous est fait et d'y répondre dans la joie, plein de gratitude. La conclusion ouvre sur les très belles figures des dix-neuf chrétiens martyrs en Algérie, dans les années 1990, qui ont choisi librement de répondre à l'amour de Dieu par toute leur vie donnée.
Ainsi, la liberté se dévoile être une vie dans la grâce avec Dieu, un chemin d'alliance et d'amitié avec le Christ sous la force de l'Esprit, un joyeux « merci » plein de gratitude dit à Dieu pour son amour prévenant, et non pas un itinéraire pénible méritant le salut par l'accomplissement de consignes impératives, au prix d'une ascension épuisante vers une perfection illusoire. Une vivifiante lecture en ces temps de crise ecclésiale.
