L’invitation au voyage suscite désir et attirance, mais fait aussi naître la crainte et la peur face à un inconnu qu’il faudra apprivoiser pour répondre à la quête d’absolu. Le voyage transforme le voyageur dans les profondeurs de son être. Tel un révélateur, il ouvre les sens, déplace les repères, questionne l’identité. Ainsi se déploie l’aventure dont nous sortons renouvelés puisque nous y « rejouons notre vision du monde ». Le voyageur ne reste pas « extérieur », mais consent à se laisser emporter par la terre qu’il découvre. Le recueil de textes, dirigé par le sociologue Michel Maxime Egger, offre d’entendre un ensemble de voix sur le voyage. Chacune parle d’expériences vécues, de terres fréquentées ou de textes scrutés. Ainsi suivons-nous les pas de voyageurs dans la Bible, nous laissant saisir par la marche du pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ou par l’appel du désert, ou encore simple voyageur dans le sud de l’Inde livré aux surprises des rencontres. Autant de thèmes abordés par une dizaine d’auteurs suisses, canadiens ou français, chacun selon son style, sur les traces de Nicolas Bouvier (1929-1998) dont L’usage du Monde (Zoé, 1963) demeure une vivante expérience pour tous les amoureux du voyage. Ces portes ouvertes, hors des sentiers battus, détournent et approfondissent notre route en humanité. Comme pour Abraham, l’expérience du voyage ouvre l’oreille et lance son invitation : « Va vers le pays que je te montrerai. » Ces pages sont une belle réflexion sur le voyage, sur ces terres où se rencontre la différence de nos cultures, langues, croyances comme de nos arts de vivre. Pèlerins, nous le sommes, toujours en chemin, apprenant jour après jour à vivre plus profondément notre humanité. N’ayons pas peur de nous laisser dérouter par ce qui nous provoque, à faire un pas de plus… Alors, ultreïa !
 
 Franck Delorme