Au cours de la deuxième semaine des Exercices, Ignace propose une « méditation sur deux étendards » : voilà bien une page des Exercices spirituels (ES) susceptible de rebuter qui la découvre et d'embarrasser parfois les accompagnateurs, en particulier par les images qui y figurent ! L'exercice est donc déroutant, d'autant qu'Ignace lui accordait une importance déterminante. Mais ce choc des images ne doit pas empêcher de prêter attention à l'extrême précision de la structure du texte. Il sera possible alors de percevoir la force et la fécondité de cette méditation pour vivre « sous l'étendard du Christ ».
Certes, présenter le Christ comme « souverain capitaine » muni d'un étendard l'habille d'emblée d'atours guerriers et triomphalistes difficilement acceptables. En outre, le Christ et Lucifer sont les deux seuls personnages mis en scène ; présentés « ainsi, mais à l'inverse », on pourrait redouter un dangereux dualisme bien peu chrétien. Et pourquoi donc passer du temps à imaginer Lucifer ? Les images que suggère Ignace – cette « espèce de grande chaire de feu et de fumée », son « aspect horrible et terrifiant » – sont bien éloignées de la relative sobriété évangélique sur Satan. Pourquoi déclencher ainsi l'imagination ? Pourtant, certains indices donnent à percevoir l'importance que revêt cet exercice aux yeux d'Ignace.
Lorsque les Exercices sont donnés dans leur intégralité, cette méditation se fait deux fois, puis deux oraisons permettent de revenir sur les points où l'on a été touché : signe, d'une part, qu'il faut du temps pour y entrer vraiment ; d'autre part, qu'il y a lieu de ne pas passer à côté de ce qu'elle peut produire.
Mais son importance ne se mesure pas à sa seule proposition dans les Exercices. En effet, elle a été comprise comme