Une personne décide un jour d'emprunter ce qu'elle reconnaît comme un chemin de vie. Elle décide de se marier, de fonder une famille, de s'engager dans la vie religieuse. C'est un pari, concrétisé dans une parole reçue, donnée, sous la forme d'une promesse : « Je me donne à toi pour toujours », « Entre tes mains, je fais vœu d'obéissance ». Qu'est-ce qui permet ce geste et cette parole ?

La parole qui engage un choix de vie est plus réelle, plus dense que toute signature de contrat. C'est une parole qui répond à une parole. Certes, il s'agit d'un choix, incarné dans une décision libre, autant qu'il est possible. Et, en même temps, et plus profondément, c'est une réponse à une forme de nécessité intime que Michel de Certeau a su dire : « Je ne peux pas faire autrement. » Le paradoxe de toute « vocation », que ce soit celle du poète, celle du couple ou celle du religieux, tient dans ce que la plus haute liberté répond à la plus profonde nécessité.

Le poète n'écrit pas pour avoir un public ou à cause des rentes que lui vaudra peut-être son livre. Il lutte et joue avec les mots par nécessité, parce qu'il ne peut pas faire autrement. Sans doute faut-il d'abord en dire autant du religieux… Le religieux ne peut pas vivre sans cela… Il a découvert « quelque chose » qui ouvre en lui l'impossibilité de vivre sans cela : « Que jamais je ne sois séparé de toi. »
Cette expérience, le religieux la choisit pour place. C'est là qu'il s'installe et c'est là-dessus que, pour parler comme l'Évangile, il bâtit sa maison.1
Une nécessité interne

Le poète peut nous éclairer sur cette nécessité profonde, propre à toute vocation authentique. Il est voué à la parole, malgré lui. Il ne peut s'empêcher de laisser son ange, ou sa muse, diriger sa main. Voilà que des mots s'imposent lui. Il lui faut les déposer de toute urgence sur une feuille ; il n'y a pas d'autre manière d'habiter le monde