L’évidence a fini par l’emporter : économique dans ses manifestations, la débâcle actuelle relève non moins d’autres niveaux d’explication, à la fois politique, culturel et spirituel. S’en tenir au seul emballement de la machinerie économico-financière reviendrait à prendre pour origine du mal l’un de ses symptômes, à confondre la physique de l’événement et la métaphysique de ses causes. Pas d’accès possible à l’intelligence du moment sans un travail d’identification des ressorts profonds, dérobés au regard pressé.
C’est ce que vient de rappeler l’ancienne ministre de l’écologie Corinne Lepage dans un petit livre tonique : « La crise économique et financière n’est qu’une facette de la remise en cause globale et doit être traitée comme telle » 1. Le socio-économiste Bernard Perret propose, pour sa part, l’« invention d’un nouveau style de vie » au prix d’une « conversion » 2 spirituelle, tandis que le journaliste Hervé Kempf vaticine : « Ce n’est pas la fin de l’histoire, c’est le début d’une nouvelle histoire ! […] Votre vie ne sera pas simple mais elle sera dense » 3. À travers les lignes de fracture qui parcourent le monde, se dévoile l’urgence d’une mise en question globale.
Il aura fallu le choc traumatique de l’événement pour engager nos sociétés dans un vaste examen de conscience collectif et individuel qui n’est pas sans rappeler les grands débats inaugurés par la crise de 1929 et le choc pétrolier de 1973. Dans les deux cas, la réflexion n’a pas tardé à rejoindre le soubassement éthique de l’ébranlement.
Le sursaut d’Emmanuel Mounier après 1929
En décembre 1930, les Ent