« Journaliste à la télévision […], chaque jour m’ouvrait une nouvelle fenêtre sur le monde. » Pauline de Préval n’a guère le temps de s’arrêter. Jusqu’au jour où s’impose une vraie révolution, une conversion qui la conduit à « reprendre [sa] vie en perspective inversée ». L’ancienne abbaye désaffectée du Thoronet sera l’ancrage de ce bouleversement.

Les sœurs de Bethléem, implantées depuis 1978 non loin de la légendaire abbaye cistercienne, accueillent l’auteure. Mais elle passera de longues journées dans l’imposante bâtisse du XIIIsiècle. « Est-ce parce qu’elle présente une image à la fois du désert et du roc, comme le Dieu que je poursuis, que le Thoronet m’attire tant ? » À travers ce journal spirituel fait de dépouillement et de ravivement des souvenirs épars, Pauline de Préval trace un chemin ténu d’approfondissement spirituel. Place est faite à la rugosité de la pierre, à l’épaisseur du silence, au questionnement douloureux de la violence du monde : « Le XXsiècle aura vu s’affronter comme jamais la toute-puissance de l’homme et la toute-faiblesse de Dieu. »

À peine deux siècles après sa fondation, le Thoronet a décliné, avant de tomber dans l’oubli. Mais l’architecture parle encore de cette exigence cistercienne, de cette prière monastique inlassable. La lumière provençale et le rythme des offices déroulent les jours de la Semaine sainte : montant vers Pâques, Pauline de Préval décèle sa vocation propre, qui est aussi celle de tout baptisé : « Dire [oui] à l’amour incompréhensible de Dieu, un [oui] qui engage tout mon être, de plus en plus profond, sans conditions, capable de traverser les illusions. »

L’itinéraire spirituel de Pauline de Préval est fait de confidences et d’éclats partagés, de pudeur et d’interrogations. Chacun doit trouver en quel lieu, en quelles circonstances, il est invité à avancer, « de commencement en commencement », selon Grégoire de Nysse. Pour l’auteure, avec une sincérité et une force poignante, c’est à l’abbaye du Thoronet que le rendez-vous a eu lieu, comme un héritage à saisir : « Ainsi est-elle demeurée jusqu’à nos jours, dernière sentinelle du désert, appel muet à poursuivre l’aventure. » La réponse nous appartient.

Christophe Henning