Mais pourquoi, si souvent, notre mine s’allonge-t-elle vers le bas ? Qu’est-ce qui nous rend tellement sérieux, si graves ? Seraient-ce les soucis, la crainte de rater un projet stratégique, déterminant pour la suite ? En tout cas, le rire a du mal à se frayer un chemin au milieu des obligations de bien faire et de réussir, des impératifs d’être vigilants, rigoureux, de compter, vérifier, peser, décider, corriger, reprendre, ajuster, intervenir au bon moment, refaire les calculs, rectifier le tir, faire passer l’info, mettre les choses au point, serrer les objectifs, penser au financement… Dans tout ça, il ne s’agit pas de rigoler ! Et l’on n’a pas non plus le loisir de vraiment se réjouir. La joie est sans cesse reportée à la fin des opérations, quand tout sera achevé, bien bordé, terminé, évalué. Là seulement, elle pourra éclater. En attendant, elle est suspendue, jusqu’à nouvel ordre. Et plus on l’attend, plus on l’imagine immense, recouvrant tout de sa clarté, comme une victoire définitive. En vérité, cette apparition tant espérée se produira-t-elle ? Ou bien n’est-ce qu’un mirage, une illusion qui s’évapore pour peu qu’on s’en approche ? Il arrive, cependant, qu’elle soit autorisée à entrer, quand tout va bien, lorsqu’on pense que c’est presque gagné. Mais souvent alors, elle apparaît sous la forme de la satisfaction plutôt que comme une vraie joie aux joues roses et aux yeux espiègles. Elle se racle la gorge et hausse le menton et, aussitôt, on sent qu’on va s’ennuyer. Car, avec la satisfaction, il n’y a rien de nouveau, rien d’imprévu. On constate seulement que les objectifs sont