« Assez puissant pour sembler simple, assez simple pour être toujours puissant. Quelle autre pierre de touche pour l'artiste, pour la grande âme ? » En citant André Suarès, l'auteur d'« Une brûlante usure », Gérard Bocholier, trouve des mots qui conviennent et s'appliquent à son journal. Deux années d'un parcours de vie donné en partage où le lecteur l'accompagne volontiers, car il y a matière à haute réflexion. Une vie de poète, une vie d'homme tout simplement, avec ses doutes, ses interrogations, ses brisures et larmes (« Certains jours, je m'efface ; d'autres jours, je m'effondre »), ses occupations quotidiennes, ses angoisses, la séparation, la solitude. Surtout, la crainte de la perte des racines de l'enfance avec la vente de la maison de Monton, ou l'usure : « Je prends conscience du rétrécissement de mon existence […]. Je me sens en sursis et à l'étroit. »

Cependant, il y a toujours au fil des pages l'amour de la vie symbolisé dans toutes ces lignes d'une réelle plénitude à l'endroit des siens, de la nature (les fleurs, le soin qui leur est apporté sur la terrasse, le bégonia blanc, les vignes, les puys, les tableaux des champs et talus à voir du train allant vers Paris), ou encore le compagnonnage de la musique qui féconde la méditation… Et, bien sûr, cette fréquentation soutenue, fraternelle, de Philippe Jaccottet, Anne Perrier, Gustave Roud, Pierre Reverdy, Paul Celan, Roger Munier et d'autres, ceux-là qui laissent une marque indélébile : « Quelques livres, heureusement, gardent toute leur vive substance. Leur cœur est gorgé de soleil. »

Peut-être que deux lignes permettent alors d'entrapercevoir le secret qui anime Gérard Bocholier : « Que de merveilles et que de misères inextricablement mêlées ! N'est-ce pas cela que la vie terrestre du Christ est venue embrasser ? » Ce que je crois être finalement le point d'orgue d'une existence qui laisse transparaître son espérance et que révèle l'ensemble d'une œuvre poétique de très belle tenue : « La Vie nous entraîne, vers la Crèche, vers le Tombeau vide. La Vie toujours l'emporte. Pourquoi lui résister ? »