« Nul ne saisit le vent », celui qui pousse les nuages, emportant avec eux la tristesse qui a pu noircir nos vies. Bien sûr, aussi, celui qui laisse paraître en silence, au bout de l'aube, le secret lumineux des petites choses qui édifient la vie, quand le verbe « être » nous apprend et nous conduit à chaque instant sur le chemin décapant d'un juste effacement…

C'est ce qui se révèle à la lecture de ce livre original, attachant voire percutant de Marion d'Elissagaray, au fond une très judicieuse réponse à une des questions posées alentour d'une page : « Peut-on compter sur l'insolence des femmes ? » Oui, sans réserve.

Ici, une mère fait le récit de l'expérience – à nulle autre pareille – de la vie de son fils jeune dont la mort a fait mourir la mort « même si cela ne se voit pas encore », dit-elle ; de même qu'elle a auparavant précisé que cet événement difficile à comprendre va demeurer encore et toujours à interpréter.

Dans ce récit allégorique, l'auteure a bien pour projet – et réussite – de faire parler les mots et donner à entendre que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, le vent de l'espérance ne s'est pas enfui : « La victoire de la vie est chose définitive pour vous tous. » L'attente et la veille le permettent. Si « les rites vieillissent, pas les mystères ni les poèmes », alors, dans son permanent exode, le temps des humains à nouveau, comme l'océan infiniment, relève et déploie des rouleaux d'Écriture et de désir, un langage en quête de justice et de fraternité, une parole qui apporte un cinglant camouflet aux sarcasmes qui ne cessent de gonfler les pouvoirs et les foules avides de violence.

Le livre s'adresse à quiconque. Il révèle que les terres du cœur ont un à-venir grâce au bois de l'arbre où mûrit le fruit d'une Parole unique, celle de l'amour : « Aimer ne plie pas drames et souffrances à ses ordres. Car Aimer n'a pas d'ordre. Aimer est déraison. La déraison sera donc votre métier, votre rôle sur terre, votre vocation. » Quelle magnifique raison d'être !

Voilà par sa mère le récit à nu de la Passion du Fils de Dieu. Un livre tonique, gorgé du vent du large. À contempler aussi, grâce aux dessins et encres de l'auteure. Saluons au passage le profond travail de découverte, depuis sa création, de la maison d'édition L'enfance des arbres.