En 1692, puis en 1694, paraissait un ouvrage connu sous le titre de Pratique de la présence de Dieu, dû au frère Laurent de la Résurrection, frère convers du couvent des Carmes à Paris. Cette méthode de vie spirituelle, affichant des sympathies ouvertement mystiques, et donc suscitant la méfiance des autorités ecclésiastiques, connaîtra malgré tout quelque succès, surtout avec la troisième édition de 1710. Laurent de la Résurrection ne faisait nullement œuvre originale : il puisait dans la tradition carmélitaine, en particulier chez Thérèse d'Avila qui, en son Chemin de perfection ainsi qu'aux sixièmes Demeures1, recommandait de rechercher incessamment la présence de Dieu, ce qui répondait à l'injonction de l'Apôtre (« Priez sans cesse » ; 1 Thessaloniciens 5,17) et faisait écho à l'avertissement de l'Évangéliste (Luc 18,10) contre un possible découragement. On ne saurait oublier l'influence de François de Sales qui demandait à Philothée de « se mettre en présence de Dieu », ajoutant à l'usage de ses visitandines qu'il leur serait bon de se mettre « en la pratique par une continuelle application de votre esprit à Dieu »2.
C'est par un disciple de Thérèse, Jean de Jésus-Marie (dit le Calagurritain, 1564-1615) que frère Laurent eut connaissance de cette pratique, via deux ouvrages fondamentaux dans la formation des novices, l'Instruction des novices et la Discipline claustrale, lesquels ambitionnaient de fournir aux débutants les matériaux de colloques intérieurs utilisables dans les diverses circonstances de la vie active, emplois et travaux, renouvelant un véritable désir d'être à Dieu, et cela grâce à une accoutumance à fixer le regard de l'âme sur le Christ, Dieu en son humanité. Cette méthode à l'évidence christocentrique fait largement appel aux dispositions affectives ; or, Laurent de la Résurrection semble la réorienter vers une manière intellectuelle, en posant a priori, comme un principe : « Dieu est là », sans se préoccuper d'activer quelque forme