Avec ce livre synthétique et aisé à lire, sœur Véronique Margron nous offre un chemin spirituel et exigeant pour entrer dans la complexité de la question des abus qui bouleversent l'Église aujourd'hui. En saisir non seulement la gravité, mais la dimension systémique qui fait que ces abus touchent beaucoup d'aspects de la vie de l'Église, voilà qui permet à chacun de mieux s'y situer et, là où il est concerné, pouvoir agir ou aider. Pour l'auteure, en effet, théologienne moraliste reconnue, mais aussi religieuse et présidente de la Conférence des religieux et religieuses en France (Corref), ce temps douloureux est « un moment de vérité » pour l'Église, puisque, en son cœur même, s'y révèle la puissance du mal et du scandale. L'Esprit de vérité, dont le souffle ébranle l'institution et se manifeste dans cette terrible prise de conscience, est la seule voie possible d'un vrai renouveau spirituel. Elle présente deux étapes dans ce chemin spirituel : la première est de prendre la mesure du scandale en mettant sur la réalité des mots justes qui permettent de sortir du mensonge. Comme en qualifiant de « pédocriminalité » et non pas de « pédophilie » le comportement des abuseurs d'enfants, écrit Véronique Margron à partir de sa longue expérience d'écoute auprès de la protection de l'enfance. Mais aussi en dénonçant le « sacré » et « la référence à Dieu », « tragique facilitateur d'emprise », dont les abuseurs inversent le sens (faire de la vie une Bonne Nouvelle) au profit d'odieuses manipulations. Mais le plus intéressant est sans doute la deuxième partie du livre consacrée au discernement d'une éthique fine et actuelle dans ce domaine si délicat des rapports entre l'Église et la sexualité. On appréciera la profondeur de la réflexion sur le pur et l'impur dont il faut résolument sortir si l'on veut accéder à une éthique responsable. Réflexion étayée par une lecture vivifiante de la Bible. Le livre s'achève par les « douze travaux » de l'Église à mettre en œuvre, parmi lesquels la mise au centre des victimes, la désacralisation de la figure du prêtre, la promotion de la place des femmes, le combat contre les phénomènes d'emprise, la réforme de l'exercice du pouvoir. En tout point, il s'agit de sortir des postures de surplomb pour s'investir dans le dialogue, à la recherche et au profit de l'humain pris dans toute sa vulnérabilité.