"L'habit ne fait pas le moine, dit-on. Il en va de même du clown. Il ne suffit pas de chausser le nez rouge, de mettre un chapeau et de se déguiser pour être un clown. C'est au fil de stages plus ou moins longs et d'ateliers réguliers que j'ai appris à faire confiance à l'imprévu, à laisser s'exprimer le ressenti, à oser jouer dans tous les registres. Je pratique le « clown-théâtre » basé sur l'expression du vécu intérieur, des émotions et de l'imaginaire, dans l'instant. Cela demande d'habiter son corps en étant davantage dans ses pieds que dans sa tête, mais je ne pratique ni acrobatie ni jonglage comme les clowns de cirque.
Les enfants disent souvent que le clown fait n'importe quoi, loin s'en faut. Ce qui leur donne cette impression, c'est que le clown (en général adulte) s'autorise à transgresser les règles et interdits que leurs parents tentent de leur inculquer. Le clown apprend à être libre face aux conventions sociales habituelles. Parce qu'il est clown, il a le droit de retrouver la spontanéité, la naïveté et l'émerveillement de l'enfant. « Si vous ne redevenez comme de petits enfants... » (Matthieu 18, 3). Mais derrière le clown, l’acteur garde sa conscience d'adulte qui lui permet de respecter des règles de base, à commencer par le respect du matériel et des personnes.
Retrouver sa liberté d'expression peut prendre du temps. Le travail de clown est un redoutable outil de développement personnel qui a vite fait de nous révéler nos failles, nos limites, notre petitesse mais aussi notre grandeur, le meilleur de nous-même. C'est un révélateur en particulier de notre relation à l'autre qui se joue avec l'autre-public et l'autre-partenaire. Comme pour les enfants qui apprivoisent la réalité à travers leurs jeux, le clown apprivoise ses émotions, ses limites, ses désirs dans un cadre protecteur aux règles de jeu précises.
Être vrai est ce que cherche la personne derrière le masque, tant dans les exercices d'approche que dans les improvisations en clown devant public. C'est cette authenticité qui touche le public. On n'y arrive pas toujours, souvent par peur de montrer ce qu'on vit intérieurement dans l'instant (peur, vide, tristesse, sentiment inavouable...). On essaie alors vainement de briller, de faire drôle et cela sonne horriblement faux. Le public sent bien que la totalité de la personne n'est pas en relation avec lui, qu'il y a un décalage entre le discours par exemple et ce que le corps et la voix manifestent."

Cracotte, alias Agnès Penet.