SUR LES SENTIERS DE QOHÉLETH
Le corridor bleu, 2007, 93 p., 12 euros.

SOUFFLES
Même éditeur, 2009, 121 p., 14 euros.


L’auteur, familière et spécialiste de l’Évangile de Luc qui lui avait inspiré une relecture poétique (Le pas du temps, Le corridor bleu, 2006), publie deux autres petits livres chez le même éditeur.
Le premier, sous le signe du palimp­seste, offre des réécritures de Qohélet. Palimpseste I égrène douze poèmes autour du motif sapientiel de la « buée » – terme qu’elle préfère, avec Henri Meschonnic, à celui, abstrait, de « vanité » – et dont la belle langue réus­sit à s’accorder à l’esprit et à la lettre, à la scansion du texte biblique, tout en en proposant une parole originale et pro­fonde : « Et voici, je me suis retourné : / j’ai su que tout est buée / le rire, le travail / la peine, le plaisir / tourment de vent qui vente / brume évanouie / sitôt levée / sur l’océan. » Dans Palimpseste II, la lettre d’une correspondance imaginée entre deux condisciples de l’auteur pré­sumé de Qohéleth réfléchit aux thèmes du livre. Les poèmes de Palimpseste III, enfin, font résonner avec les paroles du sage les traces de la mémoire et le souffle de vie « imperceptible » mais « prégnant » qui l’habite.
Un même « souffle de vie » anime le second livre de Luc auquel est consa­cré l’autre ouvrage. Les actes d’Apôtres, auxquels un « esprit saint » donne « l’assurance de parler », mènent ces Galiléens d’abord enfermés par la peur dans une chambre haute, des Juifs aux Païens, de Jérusalem à Rome. Pour in­terroger l’actualité de ce récit, Agnès Gueuret choisit le cadre de l’abécédaire. De A comme « Aube » à Z comme « Zébré(e)s de feu », en passant par « Déroute », « Kénose », « Origine », « Racines », à travers la « force née au coeur de la faiblesse » perçue dans le livre d’Actes, comme dans sa propre histoire, on découvre ce qui fait vivre aujourd’hui.
Dans une prose poétique fluide et ferme, où s’inscrit le motif récurrent de la trace, et soutenue par la trame des textes bibliques, un travail d’inter­prétation est à l’oeuvre. À la suite de Jésus affirmant que la parole d’Isaïe s’accomplit, ouvrant les Écritures au coeur brûlant des disciples, à la suite de Philippe expliquant les mots du prophète à l’Eunuque, il donne envie au lecteur de revenir à ces textes pour qu’ils fassent entendre ce qu’ils ont encore à nous dire, et d’oser en déplier librement le sens qu’ils ont pour nous.
Un dernier et court chapitre vient comme Luc « racontant une seconde fois mais autrement », non pas conclure, mais élargir encore cette lecture.