Un jour vient l'envie, on ne sait trop comment.

Et qu'on ne récuse pas trop vite ce mot d'envie, souvent suspect, pour lui substituer celui de désir. Laissons-lui, à ce stade, son côté brut encore et un peu primitif. Comme un désir « de prime abord » et qui se vit au présent immédiat.

Un jour, donc, vient l'envie.

C'est un mouvement infime. Infime et pourtant très puissant. Il prend le corps et l'âme, il est timide mais déterminé. Il fait que le cœur se serre, tandis que le corps s'approche. Il suspend le souffle, encourage et retient le geste. C'est l'envie d'y aller, de se jeter à l'eau, entre impulsion et retenue. L'enfant, cet enfant-là, effleure la touche du piano, pas comme d'autres font, négligemment et pour faire du bruit, en passant et en chahutant, mais doucement. Il suffit de le regarder. Plusieurs jours déjà qu'il tourne autour de l'instrument. Il est devant, interdit et espérant, concentré, tout entier dans le geste qu'il fait, tout entier dans la note qui résonne. Ce qui se joue n'est pas un son, ce qui se joue est une entrée, l'à peine perceptible d'un commencement. Et le musicien qui est là, à côté, qui l'a invité à oser, à s'avancer, le sait aussi. Il est très sûr de ce qui se joue pour l'enfant, il connaît. Il a connu et il reconnaît. Ce geste est le franchissement d'un seuil et il est un événement.

Cet instant inaugural, nous le connaissons bien, nous le vivons plusieurs fois dans nos vies : c'est une voix différente des autres qui donne à croire possible et fécond l'exercice politique ; la force de conviction d'un militant associatif ; la prise de