Lundi saint : le parfum de Béthanie (Jn 12, 1-11).

 

L’entrée dans la Passion n’a rien de médiatique, comme le serait un débat public et attendu entre Jésus et les pharisiens. Non, elle se fait à Béthanie, dans la douceur du havre familial et chaleureux de ses amis les plus chers, Marthe, Lazare et Marie. Jésus aime s’y arrêter avec ses disciples. C’est pourtant de cette intimité que jaillit une tension à propos d’un parfum de grand prix entre Marie et Judas. Tension qui avive le cœur de Jésus lui-même : l’amour vécu gratuitement jusqu’à l’extrême donne à toute vie son prix et sa saveur incomparables, tandis que le soin des pauvres appelle constamment à la justice, à une sobriété de vie sans gaspillage ni fête superflue. Jésus est-il lui-même le salut de Dieu donné au monde, comme le croit Marie, ou vient-il apporter au monde un chemin de salut, une éthique juste, qui provoque la trahison de Judas ?

 

Qu’en est-il pour nous ? Quelle odeur répand ma vie, quel parfum précieux livre-t-elle et auprès de qui ? Parfois c’est l’arôme inoubliable d’une rencontre qui nous laisse profondément heureux. Parfois aussi, peut-être, l’odeur plus lourde de l’utilité, du stress  et de la culpabilisation, prend le dessus, à l’image de Judas : « j’aurais mieux fait de, j’aurais dû, pourquoi n’a-t-on pas vendu… ». S’y mêle souvent l’amertume de l’occasion ratée, la déception du manque d’efficacité humanitaire ou altruiste qui confirmerait tellement bien nos projections d’un salut concret.

 

Prenons le temps de nous pénétrer du parfum de la présence du Christ qui se donne à nous, sans condition, comme à ses amis de Béthanie.  Plus nous en apprécions l’arôme et la gratuité, plus nous sommes sensibles à l’esprit de nos rencontres et des espoirs qu’elles suscitent. Ce qui a goût d’Evangile donne corps à  la présence du Ressuscité. Ce qui mène à la mort est déjà vaincu, anéanti sur la croix.

Quelle parole, quel geste, quel acte, dans cette journée, exhalera quelque chose de ce parfum du Christ en chacune de nos rencontres ?