L'avantage de la vie à l'Arche, c'est qu'il est très difficile d'y tricher. La personne avec un handicap mental demande bien clairement ce dont elle a besoin. Elle n'a pas toujours les moyens de verbaliser son besoin, sa souffrance, ce qu'elle sent ou pressent. Elle s'exprime souvent à travers son corps. Dans notre communauté du Burkina Faso, il y a quelques années, nous avons accueilli Karim. Sa maman est morte au moment de sa naissance. Il a été mis à la pouponnière. Un peu plus tard, il a eu une méningite. Il a été isolé et, même une fois la maladie terminée, il est resté dans l'isolement. Les femmes qui travaillaient à la pouponnière avaient peur de lui, tellement il était affaibli et diminué. Il s'est senti mis à l'écart, isolé, il est devenu très angoissé et a commencé à se taper la tête. On avait encore plus peur de lui.
Puis nous l'avons accueilli dans notre communauté à Ouagadougou. Il a grandi et il a beaucoup progressé, mais il est resté fragile et faible. Il savait marcher mais il ne parlait pas ; sa capacité de compréhension était très limitée mais il semblait avoir des antennes qui captaient tout. Il était comme le baromètre de la communauté. Il vivait si proche de l'angoisse et de l'insécurité que, s'il y avait des tensions dans la communauté entre assistants, ou si les assistants étaient trop pris par leur travail, leurs projets ou leurs besoins personnels, il commençait à se détruire en se frappant la tête. Karim était exigeant. Il avait besoin de sentir la présence vraie d'une autre personne. S'il ne sentait pas cette présence, jaillissaient alors de lui des puissances d'angoisse et de mort. Il n'avait pas les moyens de se défendre contre cette angoisse ; il ne savait pas la canaliser dans des activités positives.
Ce n'est pas facile pour les assistants de vivre avec