Parole et Silence, coll. « Cahiers de l’École Cathédrale », 2008, 272 p., 23 euros.
La trajectoire de Francesco Bernardone n’a rien d’une ligne droite. Ce « jeune bourgeois qui a tout réussi », visité par Dieu à l’âge de vingt-trois ans, abandonne ses compagnons de fête, s’ouvre à la prière, rejoint les exclus (les petits, les « minores », les sans-droits) pour « suivre nu le Christ nu ». Décision qui fait scandale : pendant plusieurs années, François sera en butte aux sarcasmes et aux mauvais traitements de ses compatriotes. Mais il persévère, et sa joie rayonnante lui attire des compagnons : deux, huit, douze et davantage. Le voici bientôt à la tête d’une « Fraternité » de milliers de clercs et de laïcs.
Ce succès l’épouvante : comment éviter que cet Ordre religieux ne s’institutionnalise, ne se cléricalise, ne prenne – ou ne reprenne – place dans les structures hiérarchiques de l’Église féodale ? François peut-il empêcher cette « dérive » ? Il ne le pourrait qu’en faisant acte d’autorité, ce qui ne ferait que renforcer le durcissement des structures. Il choisit donc, le coeur brisé, de laisser aller les choses. Dès 1220 (trois ans avant l’approbation officielle de l’Ordre), il se démet de toute autorité et, redevenu simple Frère parmi les autres, il continue à vivre comme il le faisait depuis quinze ans pour offrir à ses frères présents et à venir l’exemple de ce que doit être un Frère mineur. Au prix d’un déchirement intérieur, aggravé par ses souffrances physiques, il a ainsi sauvé l’esprit de sa fondation et transformé un échec en semence de vie.
Claire et bien documentée, cette nouvelle biographie est sans doute une des meilleures actuellement disponibles et constitue une excellente introduction à l’intelligence de l’esprit franciscain.