Confirmant l'intérêt pour François d'Assise déjà évoqué dans cette revue (voir Christus n° 251), deux livres viennent particulièrement alimenter son actualité éditoriale. Réédition d'abord de l'ouvrage que lui consacrait en 1923 l'écrivain anglais Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), converti au catholicisme et que l'on redécouvre désormais davantage dans un monde catholique français plus soucieux sans doute d'identité.

Présentation soignée pour ce texte, avec l'élégante et classique traduction d'Isabelle Rivière : publié entre les deux guerres, ce portrait de François d'Assise tente d'éviter deux écueils, faire du saint un « moderne », une sorte de « démagogue » démocrate, ou, à l'inverse, une figure de religieux excessif à l'ascétisme débridé. Non, insiste Chesterton : « Il fut jusqu'aux dernières angoisses de l'ascétisme un troubadour. Il fut un amoureux. Il fut un amoureux de Dieu ; et il fut réellement et véritablement un amoureux des hommes ; ce qui est peut-être une vocation mystique beaucoup plus rare. »

Issu d'un monde médiéval qui a su abandonner une relation païenne à la nature, François sait nous réconcilier avec elle, être ce guerrier qui embrasse le lépreux, cet homme joyeux qui bâtit l'Église, ce « petit pauvre » qui va fonder trois ordres, un pour les religieux, un pour les religieuses et un tiers ordre à l'intention des laïcs. Loin d'être un panthéiste participant d'une sorte du « mythe du Soleil », le saint d'Assise s'est comporté selon l'auteur comme un « artiste de sa vie », invitant à un mouvement spirituel de louange et de reconnaissance à l'égard du Dieu créateur. « Il fut par-dessus toutes choses un grand donneur, et il aima principalement la meilleure manière de donner qui s'appelle rendre des actions de grâces. Si un autre grand homme a écrit une Grammaire de l'assentiment [John Henry Newman], on peut bien dire que lui a écrit une grammaire de l'acceptation, une grammaire de la gratitude. » Et si François d'Assise revenait parmi nous, au XXIsiècle ? Cette question que pose déjà à sa manière Chesterton, le livre collectif dirigé par Mgr Jean-Marc Aveline, François d'Assise et de Marseille, l'a prise au sérieux en donnant quartier libre à une dizaine d'auteurs. Imaginé à l'occasion d'une exposition tenue dans la cité phocéenne durant l'année 2016 et consacrée à « Saint François d'Assise. L'homme intemporel », cet ouvrage privilégie les fictions pour illustrer l'actualité du saint. Comment, dans cette ville cosmopolite de Marseille, lieu d'échanges et de migrations, tout à la fois Porte de l'Orient et Porte de l'Occident, comme le rappelle Mgr Aveline, François ne se sentirait-il pas à l'aise, lui qui fut fils de marchand de draps et rencontra le sultan, à son époque ? Saluons donc ce recueil tout à fait sympathique, même si les contributions peuvent y apparaître fatalement inégales. Voici François à la prison des Baumettes, sous la plume d'Olivier Passelac, ou chez les marins du port évoquant leur vie d'errance à travers le monde (Armand de Boissieu). Soucieux comme il fut de religion populaire, nul ne s'étonne de le rencontrer à la Bonne Mère (Michel Mouïsse et Auguste Juès), voire sous la forme d'un santon dialoguant avec saint Ignace de Loyola dans un collège (Pascal Sevez). Et puis, c'est aussi au cœur du quartier difficile de Campagne-Lévêque, entre dealers et bars louches (Amaury Guilhem) ou bien en contacts avec ses jeunes dans une école de périphérie (Agnès Charlemagne) que François se manifeste. Anachronisme, diront certains ? Illustration plutôt de la jeunesse du saint d'Assise.