Avec tous les catholiques, je me suis préparée à vivre la résurrection du Seigneur, cette année, sous un éclairage particulier : le document des évêques de France intitulé Aller au cœur de la foi... La veillée pascale se trouve au centre de la foi chrétienne ; cette prise de conscience donne une lumière particulière à ce que les évêques appellent des « évolutions nouvelles » dans l'Église catholique. « Il est question des catéchumènes et des recommençants. On ne les confond pas, mais on les considère les uns et les autres comme une chance et un appel pour le renouvellement de l'Église » 1. J'ai eu la chance de faire partie de ces catéchumènes : j'ai reçu le sacrement de baptême en avril 1984, à l'âge de 36 ans. Vingt ans se sont écoulés depuis ce jour béni, vingt ans que je suis dans l'Église à apprendre à marcher avec les catholiques français. La marche n'est pas de tout repos, le terrain est assez accidenté. Malgré les incidents de parcours, je considère que c'est une chance formidable pour moi d'être disciple du Christ. Mais suis-je à mon tour une chance pour mon Église ? La réponse est beaucoup plus nuancée.
Depuis vingt ans, j'ai constaté qu'il y a souvent un malentendu sur le sens du mot conversion entre moi, l'Asiatique, et les Français catholiques. Certains ont tendance à penser la conversion comme un changement radical, un retournement complet. La conversion serait une rupture nette avec la tradition d'origine. On change complètement : du noir, on devient blanc ; de médiocre, on devient meilleur. Dans cette optique, le catéchumène est par excellence un des nôtres, car il a laissé tout ce qui est mauvais pour « endosser » comme nous les valeurs les plus positives de la vie. Comme nous, il sera « sauvé » parce qu'il a renoncé à toutes les valeurs de ses ancêtres, valeurs plus ou moins erronées. Le catéchumène devient ainsi un être nouveau, libéré de toutes les entraves antérieures à son baptême. J'avoue que cette vision est très flatteuse et très optimiste. Mais, personnellement, j'ai du mal à y adhérer.
D'autres, plus « modernes », pensent que la conversion est une sorte de grand saladier où l'on met ensemble les différentes traditions religieuses, avec un peu d'assaisonnement, pour arriver à avoir un plat très savoureux adapté à la société pluraliste actuelle. On peut ainsi boire à plusieurs sources à la fois. Le converti aborde donc une deuxième identité tout en gardant la première. On peut ainsi être bouddhiste et chrétien à la fois. Je ne me sens pas à l'aise non plus avec une telle