«Est-il vrai que l’au-delà, tout l’au-delà, soit dans cette vie ? » Cette question, c’est André Breton qui la pose en 1928 dans Nadja, Breton, le pape du surréalisme, si farouchement hostile à l’idée de Dieu en général et au christianisme en particulier. Son interrogation, qui l’amènera à s’intéresser à l’ésotérisme, porte moins sur l’existence d’un au-delà que sur sa localisation, et sur la présence, ici même, d’un ailleurs. La littérature tente selon ses propres modes l’approche des grands problèmes métaphysiques, en faisant appel aux richesses de l’imagination, et en proposant des images et des figurations, que l’on peut considérer comme autant de tentatives d’investigation du mystère. Le langage poétique excelle à suggérer un au-delà des mots, à faire pressentir, au sein de la réalité, la présence d’une réalité différente. La création romanesque, quant à elle, confère épaisseur et vraisemblance à des univers possibles, qui jouent en quelque sorte le rôle de champs d’expérimentation. Il s’avère que les œuvres de fiction sont actuellement, plus que jamais, susceptibles d’exercer sur le grand public un pouvoir de fascination et d’attraction, parce qu’elles offrent des modèles virtuels, souvent mis à la portée de tous par des adaptations cinématographiques. Elles sont donc particulièrement révélatrices de l’état des mentalités. La production littéraire récente témoigne de la cœxistence d’une sorte d’indifférence massive à l’égard des religions institutionnelles, et d’un intérêt pour certaines formes de surnaturel ou pour des phénomènes relevant de la magie. L’indifférence dont nous parlons peut correspondre à un matérialisme qui élimine tout horizon, et semble impliquer que l’on accepte d’être réduit à néant, un jour   lointain, et qui paraît, à distance, improbable. Mais quand survient la mort d’un être aimé, comment ne pas se demander s’il est possible que tout, de lui, ait disparu, alors que les liens qui nous unissaient gardent encore leurs racines