Dans un de ses films, intitulé La honte, datant de la fin des années soixante, le cinéaste suédois Ingmar Bergman a bien su faire comprendre les méfaits, pour chacun, de l'ignorance ou du mépris des questions politiques. Il nous montre un couple, seul dans une île déserte, tout occupé à l'assouvissement d'une grande passion et superbement isolé du reste du monde. Le début de ses malheurs vient de ce qu'une révolution éclate brutalement dans le pays. Des bandes révolutionnaires et les forces régulières, en traversant leur territoire jusque-là désert, viennent alors troubler une intimité qui se voulait éternelle. Comme l'un et l'autre ne connaissent rien à la situation nouvelle, ne regardent ni la presse ni la télévision, pas plus qu'ils n'écoutent la radio, ils sont contraints de choisir leur camp. Ils donnent alors, avec candeur et naïveté, des déclarations successives aux équipes de télévision rivales qui se succèdent, au fur et à mesure que changent les maîtres du pouvoir. En fonction de leurs paroles improvisées et désinformées qu'ils sont obligés, manu militari, de prononcer devant les caméras, les voici soupçonnés, tour à tour, de trahison, de duplicité, ou enrôlés, malgré eux, sous des bannières opposées.
Ce film n'est-il pas une parabole des temps que nous vivons ? Ne sommes-nous pas dans l'incapacité de nous relier au politique ? Car, sans affrontement conscient de la diversité humaine à travers l'acceptation d'une loi et de régulations institutionnelles, l'anarchie menace. Le « bien vivre ensemble », but du politique, s'efface. Comme