« Nous avons besoin d'un christianisme non pas doré, violet ou rouge, mais gris », disait le grand philosophe polonais Leszek Kolakowski1. Il avait connu dans son pays, entre 1939 et 1945, la peste brune. Il s'était laissé un instant séduire par le drapeau rouge du communisme soviétique. Autant dire qu'il avait quelques raisons de se méfier des couleurs trop vives dont se parent les pouvoirs totalitaires. Du christianisme dont il s'était ensuite rapproché, il n'attendait pas qu'il substitue au soleil trompeur des idéologies l'éclat doré de ses pompes et la pourpre de son gouvernement. Il le voulait gris. Non pas qu'il ait plaidé pour une religion atone et triste, mais il attendait de lui qu'il ne s'évade pas de la grisaille quotidienne et qu'il aide les hommes à affronter l'épreuve de vivre et, dans la conscience des limites de la condition humaine, à surmonter les difficultés immédiates de la vie.

D'aucuns aujourd'hui ne rêvent que de redorer les lustres de la religion. Mais ces lustres-là n'éclairent plus qu'eux-mêmes, et les verrières polychromes du catholicisme qu'on restaure à grands frais risquent de ne plus attirer que les touristes, les esthètes et les historiens. Il ne faudrait pas qu'en plus elles détournent les yeux des croyants des grisailles qui, dans les bas-côtés du sanctuaire, captent discrètement la lumière du dehors et en diffusent humblement le mystère dans la grande nef.

La fin des monopoles

De même, il ne faudrait pas que