Pourquoi mettre l’accent sur leur relation avec les femmes alors que les Exercices spirituels sont destinés à « se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider par quelque attachement qui serait désordonné » (n° 1), sans autre précision concernant les personnes susceptibles de les recevoir ? Il n’empêche que les femmes, comme nous allons le voir, ont joué un rôle dans leur élaboration, puis, peu à peu, dans la manière de les donner.

Des « exercices » aux « Exercices »

Ignace eut du succès auprès de ses auditrices. À Manrèse, « le jour ou la nuit, des femmes accouraient auprès de lui bouche bée et toutes mourantes d’entendre les exhortations et les paroles spirituelles qu’il ne cessait de leur adresser » 1. On leur avait même donné le surnom péjoratif d’Iñigas ! À Alcalá, « des femmes lui demandait qu’il leur enseignât le service de Dieu. Elles lui disaient les peines qu’elles éprouvaient et lui, il les consolait » 2. Lorsqu’il fut incarcéré, certaines de ses auditrices vinrent lui rendre visite. Ce succès finit par donner naissance à des racontars et sembla d’autant plus suspect aux inquisiteurs que certaines des dévotes d’Alcalá s’étaient livrées à des excès !
 
1. Témoignage de Juan Sacristá, fils d’Inés Pascual, lors du premier procès de béatification (cité par Hugo Rahner dans Ignace de Loyola : correspondance avec les femmes de son temps, Desclée de Brouwer, coll. « Christus », 1964, t. I, p. 278).
2. Maurice Giuliani, L’accueil du temps qui vient, Bayard, coll. « Christus », 2003, p. 27.
 
Mais quelle était la teneur de ses conseils ? Si l’on se réfère au Récit (n°57) de Gonçalves da Câmara, pour « aider les âmes », Ignace proposait des « exercices » et faisait le catéchisme. Grâce à une déposition de Mencia de Benevente, lors du procès de 1527, on sait qu’Ignace enseignait « les commandements, les péchés mortels, les cinq sens et les puissances de l’âme ; il le faisait à partir des Évangiles, de saint Paul et des autres saints. En outre, il prescrivait l’examen de conscience deux fois par jour, conseillant de se confesser et de communier chaque semaine » 3. Il apprenait à ses auditeurs les prières fondamentales, le Notre Père et le Je vous salue Marie. Le tout, comme le note André Ravier, « appuyé de conseils pour discerner en soi le jeu des joies (consolations) et des tristesses (désolations), tels qu’ils se formuleront plus tard dans les règles de discernement des esprits de la première