Dans Prêtre à Bénarès (Lessius, 2018), son précédent livre, Yann Vagneux écrivait : « Nous croyons que l'œuvre de l'Église n'est pas d'abord de se centrer sur elle-même pour restaurer l'intérieur de sa demeure mais que son appel est plutôt de partir, avec la légèreté des origines, à la rencontre de toute la réalité afin de l'éclairer par le Christ. » Portraits indiens est l'incarnation de cette profession de foi. Le prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), qui a voué sa vie à l'Inde et à ses habitants, brosse d'une plume inspirée le portrait spirituel de huit chrétiens qui se sont aventurés au nom du Christ dans les profondeurs et les mystères de ce pays multireligieux.

Certains de ces pionniers sont connus : mère Teresa, le jésuite Pierre Ceyrac, Jean Vanier, le moine Henri Le Saux. D'autres moins : Marc Chaduc et la carmélite Thérèse de Jésus, tous deux disciples du bénédictin Le Saux, Vandana Mataji, figure du dialogue interreligieux, ou Prasanna Devi, l'ermite du Girnar au visage ruisselant de bonté divine. Petite miette chrétienne dans l'océan de l'hindouisme, chacun, à sa façon, a fait rayonner le visage du Nazaréen au pays du Gange, soit en se mettant au service des plus pauvres, en discrets serviteurs de la charité, soit en s'enfonçant dans la prière et le silence des ermitages, une façon de faire découvrir aux hindous que le christianisme aussi peut être une voie qui conduit à la profondeur de l'expérience intérieure.

Le père Jules Monchanin, dont l'esprit plane sur chacun de ces destins, soutenait que lorsque chrétiens et hindous se rencontraient à un certain niveau de profondeur, cela produisait une « émulation de sainteté ». Nul doute que ces êtres de feu sont allés au bout d'eux-mêmes grâce à la provocation spirituelle de l'hindouisme et du bouddhisme, et aux trésors qu'ils recèlent.

À travers ces huit figures qui ont osé quitter les rivages familiers et s'expatrier mentalement et spirituellement, l'auteur propose un christianisme à la fois enraciné et ouvert, et une Église humble, ample, dilatée, spacieuse, hospitalière. Son livre est un appel à l'aventure. Il rappelle qu'on ne peut pas enclore l'Esprit dans un rite, une tradition, une province. Le Christ est toujours plus grand. Quant à la vérité, c'est un pèlerinage : on n'a jamais fini de la chercher.

Portraits indiens est aussi un bel exercice de gratitude. L'auteur, qui poursuit le sillon tracé par ces défricheurs évangéliques, exprime sa reconnaissance pour tout ce qu'il a reçu d'eux et médite sur la communion des saints, tant ces huit existences se sont mêlées les unes aux autres avant de s'entrelacer mystérieusement avec la sienne pour la gloire de Dieu et le salut du monde.