Inigo est né au château de Loyola, au pays basque, en 1491. Page de cour, puis gentil-homme au service du vice-roi de Navarre, il reste assez libre dans les affaires d’amour et d’honneur. Blessé au siège de Pampelune en 1521, il est reconduit au château familial.
Durant sa convalescence il lit la Vie du Christ et la Légende dorée qui raconte des faits et gestes de saints. Contrairement à toute attente, Inigo est accroché. Faire de grandes choses, comme le Christ, comme les saints, n’est-ce pas son rêve ?
« Quand je pense à ce qui est du monde, je m’y complais beaucoup, mais quand je suis fatigué et que je cesse d’y penser, je me trouve aride et insatisfait ; en revanche, quand je rêve d’aller à Jérusalem nu-pieds, de ne plus manger que des herbes, de me livrer à toutes les austérités comme les saints, non seulement j’éprouve de grands élans intérieurs, quand je médite sur des pensées de ce genre, mais même après les avoir quittées, je reste satisfait et allègre. » (Récit, n°8)
Cette expérience, point de départ d’un des traits les plus fondamentaux de la spiritualité ignatienne, conduira Inigo sur le chemin de la conversion. Sa première décision sera d’aller à Jérusalem, en pèlerin mendiant. Il a alors 30 ans.
Guéri, Inigo quitte Loyola, fait halte à l’abbaye bénédictine de Montserrat, puis gagne Manrèse, petite ville de Catalogne. Il y restera presqu’une année en solitaire (mars 1522 – février 1523), vivant une expérience de Dieu originale fondatrice, en particulier un jour en longeant la rivière du Cardoner.
« Les yeux de mon esprit commencèrent à s’ouvrir. Ce n’était pas une vision, mais je compris beaucoup de choses concernant la vie spirituelle, la foi et la science, et cela en une telle illumination que toutes ces choses me parurent nouvelles. » (Récit, n° 30)
Inigo devient alors comme un autre homme, avec un autre esprit : un homme associé au dessein de Dieu que le Christ poursuit dans l’Eglise. Son désir ? Il ne tient plus à la solitude et souhaite autant aider les autres que d’être aidé. Il consignera dans un petit livre toutes ses expériences et découvertes. Le livret des Exercices Spirituels prend forme.
Inigo passe l’année 1523 à Jérusalem, recherchant les traces de ce Jésus qu’il veut toujours « mieux connaître, imiter et suivre ». A son retour, il étudie à Barcelone, puis à Alcala. Des difficultés avec l’Inquisition le poussent à quitter Alcala pour Salamanque, puis Salamanque pour Paris.
Inigo arrive à Paris en février 1528. Il reprend ses études à la base, en commençant par les humanités. A 37 ans, au collège Montaigu, il apprend les déclinaisons latines avec les gamins de Paris ! Il s’inscrit au collège Sainte-Barbe en octobre 1529. Il est reçu bachelier en décembre 1532 et devient « Maître ès Arts » en mars 1533. Inigo latinise alors son nom.
Ignace partage la chambre de deux autres étudiants : Pierre Favre, savoyard, et François Xavier, navarrais. Tous deux ont 23 ans, Ignace 38. Pierre Favre fut désigné comme répétiteur d’Ignace. Tous deux se lièrent d’amitié et Pierre Favre partagera rapidement le désir d’Ignace : mener une vie pauvre à la suite du Christ. D’autres se joignirent au projet : un autre étudiant, Simon Rodriguès, Portugais, deux jeunes Espagnols, Diégo Lainez et Alphonse Salmeron, puis Nicolas Bobadilla.
Ils sont six à être séduits par Ignace. Ils se retrouvent régulièrement à la chartreuse de Vauvert. Ils prient ensemble, discutent de la vie chrétienne, parlent ensemble des « choses de Dieu ». Ignace leur communique ce qu’il a lui-même éprouvé dans sa prière, notamment à Manrèse. Par divers entretiens spirituels, il suscite en eux le désir de chercher Dieu.
Forts de leur expérience de Dieu, les 7 amis tentent de prévoir ce qu’ils vont faire ensemble. Ils veulent tous vivre dans la pauvreté au service des hommes et être prêtres. Mais où ? A Jérusalem, si c’est possible. Sinon, ils iront à Rome, se présenter au Pape « afin qu’il les envoie là où il jugerait que ce serait le plus favorable à la gloire de Dieu et utile aux âmes ». Dans quel délai ? Ils se donnent un an à partir du moment où ils se retrouveraient à Venise pour prendre le premier bateau pour la terre sainte.
Le 15 août 1534, au petit matin, les 7 amis dans le Seigneur gravissent la colline de Montmartre. Dans la chapelle dite des martyrs, ils scellent leur projet par un voeu solennel, au cours d’une messe présidée par Pierre Favre qui avait été ordonné prêtre le 30 mai 1534. Le 16 août, la vie reprend son cours et chacun ses études.
Ignace tombe malade en 1535. Il est envoyé par les médecins faire une cure d’air natal. Rendez-vous est pris à Venise pour le début 1537. Entre temps, le groupe des parisiens augmente. Trois Français arrivent : le savoyard Claude Jaÿ, le picard Paschase Broët et le provençal Jean-Baptiste Codure. Tous se retrouvent à Venise le 8 janvier 1537. Le 24 juin ceux qui n’étaient pas encore prêtres reçoivent l’ordination presbytérale. La guerre entre Venise et le grand Turc rend tout départ impossible. Pendant cette attente, les compagnons se donnent un nom : « La Compagnie de Jésus ».
Aucun bateau ne partant, ils se dispersent deux par deux dans toute l’Italie et, conformément au vœu de Montmartre, se dirigent vers Rome où ils se retrouveront tous à Pâques 1538.
Ignace arrive à Rome avec Jacques lainez et Pierre Favre vers la mi-novembre 1537. A une quinzaine de kilomètres de la ville, au lieu dit La Storta, Ignace entre dans une chapelle pour prier.
Dans la chapelle, Ignace sent « un tel changement dans son âmes et voit si clairement que Dieu le Père le met avec le Christ son Fils qu’il n’aura jamais l’audace de douter de cela, à savoir que Dieu le Père le mettait avec son Fils » (Récit n° 96). A ses compagnons interloqués, il répond : « J’ai cru voir le Christ avec sa croix sur l’épaule et, à côté de lui, le Père éternel qui disait à son fils : « Je veux que tu prennes celui-ci pour ton serviteur. » Et Jésus m’a dit : « je veux que tu nous serves ».
Les compagnons enfin tous réunis à Rome accomplissent le voeu de Montmartre. Ils sont reçus par le Pape Paul III en novembre 1538 et s’offrent à lui pour toute mission qu’il voudra bien leur confier. Le groupe des compagnons va-t-il alors voler en éclats ? Non, car une évidence s’impose à eux : puisque le Seigneur les a rassemblés, eux de pays et de mentalités si différents, « il vaut mieux pour nous que nous soyons tellement unis et liés en un seul corps qu’aucune séparation physique, pour grande qu’elle soit, ne puisse nous séparer. »
Les Compagnons décident de former un nouvel institut « La Compagnie de Jésus » dont la « Formule » sera soumise au Pape. Le 27 septembre 1540, Paul III signe la bulle d’approbation. Le 17 avril 1541, Ignace, après avoir récusé deux fois le vote de ses compagnons, accepte la charge de Préposé Général. Dès le 22 avril, les six compagnons encore présents à Rome font leur profession solennelle. Les autres la feront là où ils missionnent déjà.
En 1541, Ignace réside dans une vieille bâtisse au centre de Rome en face d’une chapelle dédiée à Notre-Dame de la Route. La Compagnie de Jésus, obtenant la responsabilité de la paroisse, construit sur le terrain vague d’alentour. Ignace s’installe dans le presbytère : trois petites pièces au plafond bas. Son travail, c’est principalement la rédaction des Constitutions de la Compagnie de Jésus. Elle ne sera pas achevée à sa mort, toujours remis en chantier pour tenir compte des remarques des compagnons et des expériences nouvelles.
Les demandes affluent pour l’Asie, l’Afrique, l’Amérique. Le Pape veut des théologiens pour le Concile de Trente. Il faut aussi des hommes aux points chauds de la Réforme. On réclame des collèges, et les jésuites se retrouvent enseignants… Chaque jour, des dizaines de lettres partent de Rome à destination des villes d’Europe, des Indes, du Japon, adressées aux jésuites ou à d’autres personnages, responsables, à des titres divers, du destin des hommes. Plus de 6000 lettres seront retrouvées.
Ignace trouve également le temps de prêcher, confesser, créer des oeuvres : maisons pour catéchumènes juifs ou mahométans, refuges pour les « femmes errantes », quêtes pour les pauvres, les prisonniers insolvables… Au début du mois de juillet 1556, une fatigue extrême et des souffrances intolérables forcent Ignace au repos. Un dernier courrier partira encore le soir du 30 juillet. Il meurt le lendemain matin à l’aube.
Ignace de Loyola sera canonisé le 12 mars 1622 en même temps que François-Xavier et Thérèse d’Avila. Son corps repose aujourd’hui à Rome dans l’église du Gésu.
Merci à Jésuites EOF pour ce texte !